(Ottawa ) Fermer le chemin Roxham, comme le réclame le gouvernement Legault, n’est pas la solution pour régler le problème des migrants qui traversent la frontière canado-américaine d’une manière irrégulière, estime le premier ministre Justin Trudeau.

Une telle mesure ne ferait que déplacer le problème à un autre point d’entrée de la frontière, a soutenu jeudi le premier ministre.

« Si on fermait le chemin Roxham, les gens passeraient ailleurs. On a une frontière énorme. On ne va pas commencer à l’armer ou mettre des clôtures dessus », a soutenu M. Trudeau à l’issue d’une rencontre avec le premier ministre de Lettonie, Arturs Krišjānis Kariņš.

« Donc, s’il y a des gens qui vont arriver de façon irrégulière, on peut au moins les contrôler, on peut au moins faire des vérifications de sécurité, on peut au moins s’assurer qu’ils ne soient pas perdus à l’intérieur du Canada », a ajouté M. Trudeau.

Il a ajouté que son gouvernement continue les pourparlers avec les États-Unis afin de mettre en œuvre des changements à l’Entente sur les tiers pays sûrs.

Mercredi, le premier ministre du Québec François Legault a réclamé qu’Ottawa procède sans délai à la fermeture du chemin Roxham, qui est devenu selon lui une « passoire » qui permet l’entrée de plus de 100 migrants par jour.

Cette requête est survenue alors que le Québec prévoit que près de 35 000 migrants pourraient emprunter ce chemin pour traverser la frontière canado-américaine de manière irrégulière – une situation inacceptable qui met à rude épreuve les capacités d’accueil et d’intégration du Québec, selon M. Legault.

En conférence de presse, jeudi, M. Trudeau a répété que le gouvernement fédéral était tout à fait disposé à continuer de donner un coup de pouce financier au Québec dans ce dossier.

Des modifications à venir

En vertu de l’Entente sur les tiers pays sûrs, seuls les individus qui présentent une demande d’asile à un poste frontalier officiel sont refoulés en territoire américain. La Presse a rapporté en décembre qu’Ottawa voulait colmater la brèche qu’est devenu le chemin Roxham, situé à Saint-Bernard-de-Lacolle.

Des modifications à cette entente donneront aux autorités canadiennes le pouvoir de refouler un demandeur d’asile aux États-Unis, peu importe s’il se présente à un point d’entrée officiel de la frontière canado-américaine pour faire cette demande ou s’il la dépose après avoir traversé la frontière d’une manière irrégulière en empruntant le chemin Roxham, par exemple.

Mais avant de mettre en œuvre cette nouvelle entente, le ministre de la Sécurité publique, Marco Mendicino, et le ministre de l'Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté, Sean Fraser, doivent adopter les règlements pertinents appliquant les changements. Leurs homologues américains doivent en faire autant. Et à Washington, ce dossier est loin d’être prioritaire.

« On continue d’avoir de très bonnes conversations avec les Américains sur l’Entente de tiers pays sûrs. Évidemment, pour les Américains, leur contexte touche leurs deux frontières qui sont très différentes. Mais ils veulent essayer d’avoir une certaine équivalence ou une approche raisonnable pour l’ensemble de leur territoire », a expliqué le premier ministre Justin Trudeau.

Il a ajouté que la ligne de conduite de son gouvernement s’appuierait sur « la compassion et nos responsabilités internationales ».

« Je comprends que ça préoccupe bien des gens et ça amène une certaine polémique pour certains partis politiques. Mais la réalité, c’est que nous sommes un pays où on suit des règles, où des gens qui arrivent ici et font des déclarations de demandeurs d’asile ont le droit d’avoir une analyse de leur dossier, et donc, c’est ce qu’on facilite. »

À la défense de la Banque du Canada

Par ailleurs, le premier ministre a jugé « désolante » l’attaque qu’a lancée le député conservateur Pierre Poilievre contre le gouverneur de la Banque du Canada, Tiff Macklem, durant le débat des candidats qui briguent la direction du Parti conservateur mercredi soir à Edmonton.

Durant ce débat en anglais, M. Poilievre a promis de limoger le gouverneur, l’accusant d’avoir adopté un politique monétaire qui alimente l’inflation au pays.

Selon M. Trudeau, M. Poilievre s’en prend ainsi à « une institution hautement réputée à l’international » qui est « reconnue pour non seulement sa rigueur, son professionnalisme, mais pour son indépendance des machinations politiques ».

« C’est un pilier important de notre réussite et de notre profil économique à l’international. […] Le fait qu’il y ait un candidat à la chefferie du deuxième plus grand parti à la Chambre des communes du Canada qui ne comprend pas ça ou qui choisit de ne pas comprendre ça, c’est désolant. C’est un signe de manque de leadership responsable. »