En pleine commémoration de la fin de la Seconde Guerre mondiale en Europe, le premier ministre canadien Justin Trudeau a causé la surprise dimanche en se rendant à Kyiv pour rouvrir l’ambassade du Canada et offrir un soutien au peuple ukrainien.

Le premier ministre canadien est le deuxième leader d’un pays du G7 à se rendre en Ukraine, à la rencontre du président Volodymyr Zelensky, après le premier ministre britannique Boris Johnson en avril dernier.

C’était la première fois que M. Trudeau rencontrait M. Zelensky en personne depuis le début de la guerre. La vice-première ministre, Chrystia Freeland, et la ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, l’accompagnaient.

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Volodymyr Zelensky accueille Justin Trudeau, Chrystia Freeland et Mélanie Joly à Kyiv.

« C’est un symbole très fort, parce que ça veut dire que le Canada juge qu’il est sécuritaire pour son leader politique de se retrouver à Kyiv, en pleine guerre ! », affirme Dominique Arel, titulaire de la Chaire d’études ukrainiennes à l’Université d’Ottawa. « Le danger immédiat à Kyiv a disparu, sinon les ambassades ne reviendraient pas. »

Autre symbole marquant, selon M. Arel : Justin Trudeau et Volodymyr Zelensky ont participé côte à côte, en vidéoconférence, à la troisième réunion annuelle du G7 qui avait lieu dimanche après-midi. On y a annoncé que les sept pays allaient officiellement mettre fin aux importations de pétrole russe « d’une manière appropriée et raisonnée », selon le communiqué final.

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Justin Trudeau et Volodymyr Zelensky lors de la réunion virtuelle du G7

Selon Yann Breault, spécialiste des États postsoviétiques à l’Institut d’études internationales de Montréal, la visite de M. Trudeau est une façon pour le Canada de faire valoir son image à l’international. « C’est sûr que l’aide militaire canadienne n’est pas déterminante dans l’issue du conflit, souligne-t-il. Donc, ça me semble plus un positionnement stratégique pour l’image du Canada, en tant que défenseur du pouvoir à Kyiv. »

Visite à Irpin

La délégation canadienne en a profité pour aller visiter Irpin, banlieue de Kyiv dévastée par les combats, pour constater les effets de la guerre. « C’est une vraie inspiration de constater comment les gens se sont levés pour défendre leur vie, défendre leurs communautés, défendre un avenir radieux pour eux et leurs familles dans un pays qu’ils aiment », a déclaré M. Trudeau en conférence de presse. Dans la foulée, il a aussi accusé Vladimir Poutine d’être responsable de crimes de guerre.

PHOTO PRISE PAR LA MAIRIE D’IRPIN, VIA ASSOCIATED PRESS

La délégation canadienne à Irpin

Plus tôt, une cérémonie a eu lieu à Kyiv pour rouvrir l’ambassade du Canada dans la capitale. L’ambassadrice Larisa Galadza y était aussi présente. L’unifolié a finalement été levé à côté de l’immeuble, car le premier mât choisi était brisé.

« J’ai été très touché de lever le drapeau canadien. C’est une reconnaissance de la bravoure et des capacités du peuple ukrainien qui a su défendre cette ville, a témoigné M. Trudeau. C’est très bon de voir le drapeau canadien être là dans les rues de Kyiv. »

D’autres pays ont déjà rouvert leur ambassade à Kyiv, dont la France et l’Italie, au cours de la troisième semaine d’avril, et le Royaume-Uni, la semaine dernière.

Nouveau soutien, nouvelles sanctions

Le premier ministre canadien en a profité pour annoncer une nouvelle aide militaire à l’Ukraine, notamment 18 caméras pour drone, de l’imagerie satellitaire à haute résolution, des armes légères et des munitions, d’une valeur de 50 millions de dollars.

Dans cette guerre-là, au-delà d’avoir des armes, c’est la capacité d’obtenir l’information en temps réel sur la position des forces ennemies [qui est importante], souligne M. Arel. En termes de caméras, d’imagerie, on a une industrie de pointe au Canada.

Dominique Arel, titulaire de la Chaire d’études ukrainiennes à l’Université d’Ottawa

Le gouvernement fédéral versera aussi 25 millions de dollars au Programme alimentaire mondial pour assurer la sécurité alimentaire de l’Ukraine. Les produits importés de ce pays ne seront pas soumis aux tarifs douaniers au cours de la prochaine année, a annoncé M. Trudeau.

Ottawa imposera des sanctions contre 40 autres individus et 5 entités russes et versera aussi une contribution de 10 millions de dollars pour soutenir les activités liées aux droits de la personne, à la société civile et au déminage en Ukraine.

« Mécanique de l’escalade »

​ « Le G7 tout entier s’est engagé à interdire ou supprimer progressivement les importations de pétrole russe », a annoncé dimanche la Maison-Blanche. Cette décision « va porter un coup dur à la principale artère irriguant l’économie de [Vladimir] Poutine et le priver des revenus dont il a besoin pour financer sa guerre » contre l’Ukraine, affirme l’exécutif américain.

Selon Yann Breault, le positionnement canadien risque d’avoir des conséquences à long terme. « Même si ça paraît bien pour le Canada d’être du bon côté de l’histoire, observe-t-il, on participe un peu à la mécanique de l’escalade, qui semble nous diriger vers une confrontation directe entre notre coalition et la Russie. »