(Québec) Le Québec n’est pas à l’abri d’un recul sur l’accès à l’avortement, disent Dominique Anglade et Gabriel Nadeau-Dubois. Ils demandent au chef du Parti conservateur Éric Duhaime de renoncer à présenter un candidat antiavortement, une demande également formulée par François Legault.

« Je suis inquiète, on n’est pas à l’abri de ce genre de chose, et on ne doit faire aucun compromis par rapport aux droits des femmes », a lancé la cheffe libérale mercredi en point de presse.

« Le message au Québec doit être sans compromis. Je demande à l’ensemble des formations politiques d’avoir clairement des candidats qui ne sont pas contre l’avortement. […] Je peux vous assurer que dans ma formation, on n’aura aucun candidat qui va remettre en question le droit des femmes », a-t-elle ajouté.

Elle réagissait à la possible annulation du jugement Roe c. Wade protégeant le droit à l’avortement par la Cour suprême des États-Unis d’ici juin, un véritable coup de tonnerre.

Le chef parlementaire de Québec solidaire a renchéri. « Même ici au Canada, même ici au Québec, il y a des gens qui veulent qu’on recule sur les droits des femmes à disposer de leur corps. Moi, ça me fout la trouille, notamment comme nouveau papa d’une petite fille. Ces rappels doivent nous mobiliser et pas juste nous faire peur », a affirmé M. Nadeau-Dubois.

« Il y a au Canada des élus, dans des partis politiques, qui veulent nous faire reculer. Non, le Canada et le Québec ne sont pas à l’abri. Je ne dis pas ça pour être alarmiste. Je dis ça pour rappeler qu’il faut se mobiliser comme société », a-t-il ajouté. Il rappelle également que Manon Massé a demandé dès le début du mois de mars à Éric Duhaime de mettre de côté son candidat Roy Eappen, membre de son « duo santé » et ouvertement antiavortement.

Le premier ministre François Legault a affirmé que tous les députés caquistes sont pro-choix et qu’il est anormal pour une formation politique de présenter un candidat qui s’oppose à l’accès à l’avortement. « Ce n’est pas normal, il ne devrait pas y en avoir et il n’y en aura pas, il n’y en aura pas à la CAQ », a-t-il lancé dans les corridors de l’Assemblée nationale. M. Legault est catégorique : tous les candidats caquistes seront pro-choix.

Culture de l’annulation

Le chef du Parti conservateur dénonce pour sa part ces sorties, qu’il associe à la « culture de l’annulation » de la part de « partis wokes ».

En entrevue avec La Presse, M. Duhaime souligne être le « premier chef d’un parti conservateur ouvertement gai » au Canada, et affirme être un « progressiste sur les enjeux sociaux » et que son parti est pro-choix. Il défend son candidat Eappen, dont la position antiavortement vient de « convictions religieuses ». « La liberté de conscience, ça existe », a-t-il dit.

« C’est quoi la prochaine étape ? Les gens qui sont créationnistes n’auront plus le droit de se présenter aux élections ? Il y a quelque chose là-dedans qui relève de la culture de l’annulation », a dit M. Duhaime. Le créationnisme est une doctrine religieuse qui affirme que Dieu a créé la Terre et les espèces vivantes telles qu’elles le sont aujourd’hui.

M. Duhaime affirme que comme « démocrate », il faut s’inquiéter des formations politiques qui souhaitent exclure du débat public les gens qui « ne pensent pas comme eux ».

« Les gens des communautés religieuses ont souvent un attachement religieux plus important. Ça serait une grave erreur, ce serait très antidémocratique d’exclure ces gens-là du paysage politique. Les gens très croyants dans l’islam, normalement, ce ne sont pas des gens qui sont pro-choix. C’est de l’hypocrisie politicienne », a dit M. Duhaime.

Rappelons toutefois que le parti de M. Duhaime veut sélectionner « les immigrants permanents en fonction de leur compatibilité civilisationnelle » avec les valeurs occidentales. « La compatibilité civilisationnelle, pour moi, ça veut dire que quelqu’un qui arrive ici, quand il voit mon chum pis moi marcher main dans la main dans la rue, il ne capote pas », a-t-il affirmé dans une entrevue récente à La Presse.

Dans le cas du débat sur le droit des femmes à disposer de leur corps, M. Duhaime croit cependant que les formations politiques qui excluent des candidats antiavortement « rejettent des communautés culturelles entières ».