La FTQ et la FTQ-Construction cèdent à la pression et ouvrent une enquête indépendante sur les circonstances qui ont permis à Rénald Grondin de devenir président du plus grand syndicat de la construction même s’il avait harcelé et agressé sexuellement une secrétaire pendant deux ans. L’Assemblée nationale a exigé mercredi que les syndicats fassent la lumière sur les révélations faites par La Presse.

Les modalités de l’enquête n’ont pas encore été précisées, mais celle-ci sera menée par une firme indépendante, ont assuré la FTQ te la FTQ-Construction dans un communiqué de presse, mercredi en fin de journée.

« Nous voulons faire la lumière sur ce qui a mené Rénald Grondin à devenir président de la FTQ-Construction, ce qui a mené Rénald Grondin à gravir les échelons et à se rendre président de la FTQ-Construction en 2018. Nous allons enquêter pour savoir comment il a réussi à se rendre là », a expliqué Daniel Boyer, président de la FTQ, dans une entrevue téléphonique. La FTQ-Construction a refusé nos demandes d’entrevue.

Lisez « Il a gravi les échelons malgré des agressions »

M. Boyer espère que l’enquête permettra de déterminer qui était au courant des agressions que Rénald Grondin a fait subir à sa secrétaire, entre 2008 et 2010, alors qu’il était directeur général de l’Association des manœuvres inter-provinciaux. Les faits ont été documentés dans une décision de la Commission des lésions professionnelles en 2012.

Le président de la FTQ n’a toutefois pas voulu s’avancer sur de possibles sanctions contre des employés au terme de l’enquête indépendante.

Les gens qui étaient au courant et qui ne l’ont pas dit, ce ne sont pas eux, les agresseurs.

Daniel Boyer, président de la FTQ

Le président de la FTQ affirme qu’il a échangé plusieurs fois avec le ministre du Travail et la FTQ-Construction depuis jeudi dernier. « Il fallait exiger la démission de Rénald Grondin. C’était la première étape et il ne fallait pas échapper ça. Par la suite, on a mis en branle tout ce qui devait être mis en branle, dont un plan d’action et une enquête », a-t-il souligné.

CAPTURE D’ÉCRAN TIRÉE D’UNE VIDÉO DU SOUPER DES BÂTISSEURS

Rénald Grondin, président démissionnaire de la FTQ-Construction

Les partis unissent leurs voix

Plus tôt mercredi, l’Assemblée nationale avait parlé d’une seule voix en adoptant une motion pour exiger que la FTQ lance une enquête pour faire la lumière sur les évènements.

« La motion nous a conféré la possibilité d’envoyer un message extrêmement puissant que c’est inacceptable et intolérable » comme situation, a réagi le ministre du Travail, Jean Boulet, en fin de journée. Ce dernier promettait de s’assurer que la lumière soit faite sur les évènements révélés jeudi dernier.

[Ce que je veux], c’est de déterminer qui savait, qui aurait dû savoir et comment ça se fait qu’il y a une culture d’opacité dans ce secteur-là qui permet que des évènements comme ceux qu’on connaît puissent survenir pendant une bonne période de temps sans que cette personne-là soit démasquée.

Jean Boulet, ministre du Travail

Jean Boulet demeure néanmoins prudent. « Je serai satisfait quand l’enquête sera complétée, qu’on aura des recommandations claires, qu’on aura fait la lumière sur les évènements. Évidemment, je vais m’assurer […] d’être informé des conclusions de cette enquête-là », a poursuivi le ministre en entrevue.

La décision du syndicat survient au lendemain de la publication d’un communiqué de la FTQ-Construction annonçant qu’elle se dotait d’un plan d’action pour lutter contre le harcèlement psychologique et sexuel dans ses rangs. L’organisation n’a accordé aucune entrevue sur le sujet. Insatisfait, M. Boulet s’est adressé mardi directement au président de la FTQ, Daniel Boyer, pour réitérer sa demande d’enquête.

La motion soumise mercredi par M. Boulet, conjointement avec les députés des partis de l’opposition, rappelle que « toutes les organisations doivent être exemplaires dans la prévention du harcèlement psychologique et du harcèlement sexuel », et que « l’industrie de la construction n’y fait pas exception ».

La motion soumise par le ministre Boulet

« Que l’Assemblée nationale reconnaisse que toutes les organisations doivent être exemplaires dans la prévention du harcèlement psychologique et du harcèlement sexuel ;

« Qu’elle souligne que l’industrie de la construction n’en fait pas exception et qu’elle a la responsabilité d’assurer un milieu de travail sain et exempt de toute forme de harcèlement pour l’ensemble des travailleuses et des travailleurs ;

« Qu’elle rappelle qu’en 2021, les femmes ne représentaient que 3,27 % de la main-d’œuvre totale de l’industrie et qu’environ 55 % de celles-ci quittent les chantiers après cinq ans ;

« Que l’Assemblée nationale réitère qu’en vertu de la Loi sur les normes du travail, les employeurs sont tenus d’adopter une politique de prévention du harcèlement psychologique et sexuel et de s’assurer de son respect.

« Enfin, que l’Assemblée nationale exige de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec qu’elle lance une enquête afin de faire la lumière sur les récentes révélations concernant la présidence de la FTQ-Construction ».

Rectificatif
Une version précédente de ce texte mentionnait que la FTQ a ouvert une enquête indépendante. En fait, la FTQ et la FTQ-Construction ont conjointement annoncé la tenue de l’enquête indépendante.