(Québec) Rénald Grondin a démissionné de la présidence de la FTQ-Construction, a annoncé le syndicat jeudi matin. Il quitte son poste à la suite d’un article de La Presse qui a révélé que l’homme, alors qu’il était directeur général de l’Association des manœuvres inter-provinciaux, a harcelé et agressé une secrétaire pendant deux ans.

Dans une déclaration écrite, la FTQ-Construction assure qu’elle a procédé à une enquête sur les antécédents de Rénald Grondin lorsqu’il s’est présenté aux élections syndicales, en 2018. La Commission de la construction du Québec (CCQ) et le ministère du Travail ont aussi pris part à ces enquêtes, soutient le syndicat.

« Aucune décision compromettante concernant Rénald Grondin n’était sortie », indique le communiqué de presse.

Des nuances importantes s’imposent. Le ministère du Travail soutient qu’« il ne fait pas de vérification d’antécédents pour confirmer les élections à la FTQ » puisque « c’est un poste électif qui n’a aucun lien » avec lui. De plus, en vertu de la loi, toute personne déclarée coupable d’un chef d’accusation au criminel ne peut diriger un syndicat, et c’est ce que vérifie la CCQ lors de son enquête. Elle n’a donc pas le mandat de faire des vérifications plus larges et de scruter des décisions, par exemple, de la Commission des lésions professionnelles. C’est ce qui explique que rien ne soit sorti dans le cas de M. Grondin, précise-t-elle.

La Presse a mis la main sur une décision de la Commission des lésions professionnelles datant de 2012, qui montre ce qu’a fait subir Rénald Grondin à une secrétaire pendant deux ans alors qu’il était directeur général de l’Association des manœuvres inter-provinciaux, un syndicat affilié à la FTQ-Construction.

Les agressions ont commencé à la suite d’un match de hockey du Canadien de Montréal auquel assistaient plusieurs employés, en février 2008. « À la fin de la partie, son supérieur a insisté pour la reconduire chez elle. Elle s’est sentie obligée d’accepter malgré son malaise. Une fois rendu à son domicile, ce dernier lui a fait des avances de nature sexuelle. Elle lui a signifié qu’elle ne voulait pas et a tenté de le repousser », note la décision de la juge administrative Guylaine Moffet.

« Par la suite, sous divers prétextes, il lui demandait de venir dans son bureau et il verrouillait la porte et l’agressait. La travailleuse explique qu’elle tentait de le repousser, lui signifiait qu’elle n’était pas consentante, mais lui banalisait l’évènement et mentionnait qu’il désirait “être proche de sa secrétaire” », lit-on dans la décision qui était restée dans l’ombre jusqu’à ce jour. La victime souffre toujours d’un choc post-traumatique. Elle a décliné notre demande d’entrevue.

La FTQ-Construction assure, dans son communiqué de presse, qu’elle ne tolère pas le harcèlement sexuel et psychologique. « C’est tolérance zéro. Nous savons que nous opérons dans une industrie à prédominance masculine avec un climat difficile pour les travailleuses et nous devons être un exemple pour tous et toutes. »

« Notre organisation durcira ses enquêtes pour s’assurer qu’une telle situation ne se reproduise pas et s’assurera d’honorer les standards élevés qu’exigent les membres qui nous ont choisis partout à travers la province », lit-on dans la déclaration.

« Cette personne doit démissionner »

Dans une sortie rarement vue de la part d’un ministre du Travail, Jean Boulet avait demandé la démission du président de la FTQ-Construction, Rénald Grondin, qui a harcelé et agressé une secrétaire administrative pendant deux ans.

« Cette personne doit démissionner dans les meilleurs délais possibles », avait déclaré Jean Boulet jeudi, à la suite du reportage de La Presse qui font état d’une situation « inacceptable ». « Je pense que la FTQ doit agir rapidement, que les décisions appropriées soient prises de manière à ce que cette personne se retire de son poste le plus rapidement possible. Et ça passe par un départ volontaire ou une terminaison d’emploi. »

Jean Boulet s’est entretenu avec le président de la FTQ, Daniel Boyer, pour s’assurer que le ménage soit fait. Quelques minutes plus tard, la démission de Rénald Grondin était confirmée.

PHOTO ÉRICK LABBÉ, ARCHIVES LE SOLEIL

Jean Boulet

« Il faut s’assurer que tout environnement de travail soit exempt de tout risque pour l’intégrité psychique des personnes, dans tous les secteurs d’activité. Et ici, c’est le secteur de la construction, qui a un enjeu d’intégration et de rétention de la main-d’œuvre féminine. [Cette affaire] projette des perceptions extrêmement négatives sur ce secteur-là. C’est grave, c’est intolérable, ça ne peut pas être accepté. […] On ne peut pas tolérer qu’une personne qui est président de la FTQ-Construction puisse continuer d’agir dans des circonstances comme celles-là », avait expliqué le ministre.

Jean Boulet laisse entendre que le dossier n’en restera pas là. Il a répondu par l’affirmative lorsqu’on lui a demandé si des vérifications seront faites pour savoir comment M. Grondin a pu gravir les échelons de la FTQ-Construction malgré ses agissements. « Je veux aller au fond des choses. Je veux connaître l’historique de ce dossier », a indiqué le ministre. Il a ajouté : « Je ne connais pas tous les faits. S’il y a matière à faire d’autres plaintes, ou des recours au civil ou au criminel, il faut que les procédures appropriées soient intentées pour dénoncer des situations, encore une fois, qui sont intolérables ».

L’opposition avait également réclamé le départ de M. Grondin.

« Il est dans un poste d’autorité, ces gestes-là se sont produits en milieu de travail, il est la plus haute autorité d’une instance qui doit défendre des travailleurs. Je pense qu’il devrait quitter ses fonctions », a lancé la députée péquiste Véronique Hivon jeudi en point de presse.

Mme Hivon rappelle que M. Grondin a été élu par ses membres. « Mais a-t-il été élu en toute connaissance de cause ? Évidemment, c’est aux membres de s’exprimer là-dessus. Mais moi, je dois vous dire que, comme personne qui se bat depuis des années pour la reconnaissance de l’impact des violences sexuelles et l’impact qu’elles ont dans la société en général, je ne vois pas comment on peut tolérer une telle situation », a-t-elle affirmé.

La libérale Christine St-Pierre, qui a occupé les fonctions de ministre de la Condition féminine par le passé, est « scandalisée ». M. Grondin devait « se retirer » et la FTQ devait donner une « explication ». « Je pense à sa victime. C’est la première personne à qui je pense. Comment elle se sent ? Quels sont les traumatismes qu’elle a eus ? Mettez-vous dans la peau de la victime, et vous avez la réponse sur comment je me sens ce matin », a-t-elle lancé.

Courage

Mme St-Pierre parle d’un recul, et n’en revient pas que le « milieu de la construction » n’a toujours pas compris que « c’est un milieu d’hommes et qu’il y a un message à envoyer aux femmes qui voudraient peut-être rentrer dans le milieu de la construction », a-t-elle lancé.

La députée de Québec solidaire, Christine Labrie, a félicité la victime qui a eu « le courage » de dénoncer, surtout qu’à l’époque « ce n’était pas un climat très favorable à la dénonciation puis au fait d’exercer ces recours ».

« Je n’aimerais pas ça être représenté par quelqu’un qui a commis des gestes comme ceux-là. Ça démontre toute l’importance de lever le tabou sur ce type de comportement là, que les gens soient informés quand il y a des gens qui ont des comportements inadéquats autour d’eux, pour pouvoir prendre des décisions éclairées », a-t-elle affirmé.

Elle ne demandait toutefois pas le départ de M. Grondin, et affirme que ce sont plutôt les membres du syndicat de « vérifier s’ils sont à l’aise avec ça ou pas. »

Depuis la décision de la Commission des lésions professionnelles, M. Grondin a continué de gravir les échelons à la FTQ. En 2018, il a été élu à la présidence de la FTQ-Construction, le plus grand syndicat de la construction de la province, qui représente 80 000 travailleurs. La même année, il a commencé à s’impliquer dans les Soupers des bâtisseurs, des évènements organisés par l’organisme 2159, qui lutte contre l’exploitation sexuelle, entre autres. Il devait prendre sa retraite à la mi-mai.