Un mois après la conclusion d’une alliance entre libéraux fédéraux et néo-démocrates, un sondage syndical montre que plus de 7 Québécois sur 10 seraient actuellement « favorables » à l’implantation d’un régime public et universel d’assurance médicaments, une revendication des troupes de Jagmeet Singh.

« Plus que jamais, on y croit. Les planètes n’ont jamais été aussi bien alignées pour un tel régime, et il ne faut pas laisser passer ça. Surtout parce que ce n’est pas certain que cet alignement va revenir un jour. On se doit de taper fort sur le clou », explique à La Presse le secrétaire général de la division québécoise du Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP), Frédéric Brisson.

Le sondage de son groupe, paru jeudi, révèle que 73 % des Québécois – sur un échantillon de 1500 répondants sondés sur un panel web début avril – souhaiteraient un régime d’assurance médicaments universel. Près de 30 % des répondants se disent « très favorables » à la mesure, et 44 %, « assez favorables ».

Des données croisées et compilées par la firme CROP montrent que ce soutien est particulièrement fort au provincial chez les électeurs solidaires (85 %), ainsi que chez les libéraux (80 %) et les néo-démocrates (86 %) au fédéral. L’appui demeure toutefois élevé même chez les caquistes (79 %) et les bloquistes (74 %), notamment. De manière générale, 71 % des répondants jugent que ce régime devrait être entièrement gratuit et payé par l’État.

Mais par qui, exactement ? Ottawa ou Québec ? Sur ce point, les personnes sondées sont aussi unanimes ; 77 % d’entre elles souhaitent voir les deux gouvernements « collaborer ».

Guerres de compétence à écarter

Au SCFP-Québec, Frédéric Brisson appelle les deux ordres de gouvernement à « mettre de côté » les guerres de compétence et à « travailler pour la population ». « Avec la campagne provinciale qui arrive, ce qu’on demande aux partis politiques québécois, c’est de s’entendre avec le fédéral, d’arrêter de se battre sur la compétence et de mener à bout ce projet », dit-il.

Selon les données avancées par son syndicat, un Québécois paie en moyenne 1144 $ par année pour des médicaments, alors que la moyenne de l’OCDE n’atteint qu’à peine 719 $ annuellement.

Fin mars, les libéraux avaient annoncé avoir conclu une entente négociée avec les troupes néo-démocrates de Jagmeet Singh, afin de demeurer au pouvoir jusqu’en juin 2025. L’union est bien sûr loin d’avoir le sceau d’approbation du Parti conservateur et du Bloc québécois.

N’empêche, dans le cadre de cette entente, les libéraux s’étaient engagés à adopter une loi pour mettre en œuvre une assurance médicaments dans les provinces qui n’en ont pas d’ici la fin de 2023, une revendication du Nouveau Parti démocratique. D’ailleurs, dans le sondage du SCFP-Québec, 73 % des 1500 répondants se disent « plutôt » ou « tout à fait » d’accord avec le fait que le gouvernement Legault devrait « adhérer » à cette éventuelle assurance médicaments, si elle voit bien le jour.

« Avec un programme fédéral, on aurait un plus gros pouvoir d’achat pour des médicaments partout au Canada, ça, c’est certain. Si tout le monde s’entend, c’est ultimement le citoyen qui paiera moins cher. On va aussi réduire les coûts de main-d’œuvre pour les entreprises », analyse M. Brisson.

Pas sans embûches

Selon Stéphanie Chouinard, professeure de science politique à l’Université Queen’s, il est certain que l’implantation d’un régime universel ne se ferait pas « sans embûches, surtout au Québec », qui compte déjà sur des régimes de type « assurance collective ».

Dans le sondage, 42 % des répondants disposant d’une assurance collective déplorent toutefois avoir vu leurs dépenses pour des médicaments augmenter ces dernières années.

« Un régime universel semble une mesure consensuelle, tout parti confondu, donc c’est sûr que ça change la donne. Ça pourrait se faire si tout le monde décide de collaborer, et que ça va des deux bords. Mais si le gouvernement fédéral arrive avec ses gros sabots et veut imposer un programme avec beaucoup de rigidité, qui ne laisse pas de place à une certaine adaptation, ça ne fonctionnera pas », dit Mme Chouinard.

Si la mesure fait l’unanimité, elle deviendra politiquement payante, conclut l’experte. « Tous les partis politiques regardent les sondages. Et la meilleure décision à prendre, tant pour la CAQ que pour les libéraux fédéraux, même pour le Bloc, c’est de prendre en compte cette volonté. »