(Ottawa) Il reste moins d’une semaine au gouvernement Trudeau pour lancer une enquête sur le recours à la Loi sur les mesures d’urgence, comme il est tenu de le faire, et les voix s’élèvent pour réclamer un exercice réellement indépendant et transparent.

« Le gouvernement se doit, après avoir proclamé cette loi-là pour la première fois depuis qu’elle existe […], de rendre des comptes à la population et de le faire sérieusement », commente le député bloquiste Rhéal Fortin.

Celui qui copréside un comité d’élus et de sénateurs chargé de faire la lumière sur la façon dont la législation de dernier recours a été utilisée a l’intention de suivre de près cette enquête.

« C’est clair que ça va alimenter nos propres réflexions », dit-il en insistant sur le fait que bien des inconnues demeurent sur la suite des choses. Il souligne que les travaux de l’enquête à être déclenchée et ceux du comité qu’il copréside sont menés « en parallèle », bien qu’ils pourront s’avérer complémentaires.

Le gouvernement Trudeau a invoqué la Loi sur les mesures d’urgence, le 14 février dernier, afin de mettre fin aux manifestations anti-mesures sanitaires qui ont paralysé le centre-ville d’Ottawa durant des semaines.

Le texte législatif établit que le gouvernement fédéral dispose de 60 jours après la fin de son recours à la loi pour « faire faire une enquête sur les circonstances qui ont donné lieu à la déclaration (d’urgence) et les mesures prises pour faire face à la crise ».

Ottawa ayant révoqué l’emploi des dispositions extraordinaires le 23 février dernier, l’échéance pour déclencher l’enquête survient lundi prochain, confirme le Bureau du Conseil privé dans un courriel.

Le ministère rattaché au bureau du premier ministre refuse, dans cette même déclaration écrite, de fournir quelconque information sur la forme que prendra l’enquête. « Plus de détails seront annoncés en temps et lieu », se contente-t-on de déclarer en réitérant les dispositions de la Loi sur les mesures d’urgence.

Or, ces dernières ne spécifient ni la structure de l’enquête ni quel type d’intervenant est le mieux placé pour la piloter. La loi précise seulement qu’un rapport doit être déposé, au terme de l’investigation, dans les 360 jours suivant la fin de la mise en œuvre des mesures d’urgence.

Aux yeux de M. Fortin, il est clair que le gouvernement devrait mettre en place une commission d’enquête similaire à celle qui a été lancée dans la foulée du scandale des commandites.

Ainsi, il souhaite la nomination d’un commissaire indépendant, crédible, et des travaux menés en public, explique le député.

L’Association canadienne des libertés civiles (ACLC), qui s’est tournée vers la Cour fédérale pour contester le recours qui a été fait à la Loi sur les mesures d’urgence, y va de propositions similaires.

Dans une récente déclaration commune signée par 13 autres organisations, comme la Ligue des droits et libertés, l’ACLC réclame notamment que les responsables puissent forcer des témoins à comparaître, les amener à le faire sous serment et les obliger à produire des documents.

Si elle surveillera de près le déroulement de l’enquête, l’ACLC n’a aucunement l’intention de laisser tomber son action légale, soutient Abby Deshman, directrice du programme de justice pénale pour l’organisation.

« Notre action en justice se concentre sur la constitutionnalité et la légalité des décisions prises par le gouvernement ainsi que la façon dont il a utilisé la loi. J’espère que l’enquête considérera aussi des aspects plus vastes », dit l’avocate. Par exemple, elle croit que l’enquête devrait se pencher sur l’impact qu’a eu la décision d’Ottawa sur les gens et sur les moments où il est approprié ou non de recourir à la Loi sur les mesures d’urgence.

Les autres coprésidents du comité de députés et sénateurs – le député néo-démocrate Matthew Green et la sénatrice indépendante Gwen Boniface – n’ont pas été en mesure d’accorder d’entrevue à La Presse Canadienne mardi.