(Longueuil ) À six mois des élections générales, l’un des derniers châteaux forts du Parti québécois est tombé : la circonscription de Marie-Victorin, à Longueuil, passe aux mains de la Coalition avenir Québec avec la victoire de Shirley Dorismond.

« Aujourd’hui, on y est arrivés. Shirley Dorismond, la fille qui a grandi dans Marie-Victorin, celle qui a vécu votre réalité, passe à l’histoire. Je passe à l’histoire », a lancé la syndicaliste et infirmière, qui deviendra la 76députée du gouvernement Legault à l’Assemblée nationale.

Avec 35 % des suffrages, Mme Dorismond, âgée de 45 ans, est arrivée première devant son adversaire du Parti québécois (PQ), Pierre Nantel (30 %). Pour le Parti libéral (PLQ), la défaite est brutale : l’opposition officielle à Québec termine derrière le Parti conservateur (PCQ) d’Éric Duhaime, avec 7 % pour le PLQ et 10 % pour Anne Casabonne, du PCQ. Québec solidaire finit troisième avec 14 % des voix, une moins bonne performance qu’en 2018.

Shirley Dorismond représentera donc cette circonscription de la Rive-Sud de Montréal, dont les électeurs sont orphelins depuis le départ de l’ex-députée péquiste Catherine Fournier, devenue indépendante avant d’être élue mairesse de Longueuil l’automne dernier.

« Regarder vers l’avenir »

Pour le premier ministre François Legault, qui accompagnait Mme Dorismond lundi soir à Longueuil, cette victoire porte plusieurs messages.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

François Legault, premier ministre du Québec

Ce soir, après avoir élu pendant 40 ans un député du PQ, les électeurs de Marie-Victorin ont décidé de mettre ça en arrière et de regarder vers l’avenir, d’envoyer la CAQ et Shirley à l’Assemblée nationale.

François Legault, premier ministre du Québec

Selon M. Legault, les électeurs appuient également un changement du réseau de la santé, et ils sont d’accord pour « remettre de l’argent dans [leur] portefeuille », a-t-il expliqué. « Ils nous ont dit une autre chose : le peuple québécois n’aime pas les extrêmes. Le peuple québécois veut du changement, mais il veut que ça se fasse dans l’ordre, et de façon responsable, avec la CAQ », a dit le premier ministre, devant une poignée de militants, d’employés politiques et de proches de Mme Dorismond rassemblés dans une petite pizzéria de Longueuil.

Une première depuis 1985

Les électeurs de Marie-Victorin ont tourné le dos lundi au PQ pour la première fois depuis 1985. Malgré tout, le chef péquiste Paul St-Pierre Plamondon a affirmé devant des militants gonflés à bloc dans un restaurant de Place Longueuil que le résultat de la formation souverainiste était de bon augure pour le scrutin du 3 octobre prochain.

« Ce soir, je pense qu’on peut être fiers. On peut être fiers de la campagne qu’on a menée, mais on peut être fiers également du résultat obtenu. […] C’est un résultat qui est serré et je vous dis, ce n’est que partie remise », a-t-il dit devant la foule qui réclamait « un pays ».

« Le Parti québécois demeure la vraie alternative à la Coalition avenir Québec », a pour sa part déclaré Pierre Nantel, qui a confirmé du même souffle qu’il serait candidat pour le PQ à l’automne lors du scrutin général. « Quand on arrive à 5 % du gagnant, et qu’on a très clairement le double du parti qui est juste en dessous de nous, ça va bien », a-t-il ajouté.

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La déception se lisait sur les visages dans le camp du candidat Pierre Nantel, du Parti québécois, après l’annonce de sa défaite.

Une lutte serrée

En envoyant la caquiste Shirley Dorismond à Québec, les électeurs de la circonscription de Marie-Victorin lui ont pardonné ses revirements sur plusieurs sujets, notamment ses critiques de la gestion de la pandémie par le gouvernement Legault ou sa reconnaissance du racisme systémique, un thème honni de la CAQ.

Avec les élections générales d’octobre qui approchent à grands pas, ce scrutin a été l’objet d’une importante bataille politique. Tous les chefs de parti ont fait campagne, et la CAQ a mobilisé son Conseil des ministres pour faire du porte-à-porte. Au rassemblement caquiste, les ministres Nathalie Roy, Jean-François Roberge, Christian Dubé, André Lamontagne, Simon Jolin-Barrette et Ian Lafrenière étaient présents.

Rapidement après l’annonce de la victoire, le leader parlementaire de la CAQ, M. Jolin-Barrette, a d’ailleurs expliqué comment il interprétait ce résultat : un appui au gouvernement et un message clair aux partis de l’opposition. « Les gens veulent que nous travaillions pour eux et qu’on arrête la partisanerie », a lancé celui qui contrôle l’ordre du jour législatif.

Le ton est mauvais à l’Assemblée de la part des oppositions depuis le début du mois de février. C’est un message de la population pour dire : écoutez, jusqu’au mois de juin, faites adopter les projets de loi, travaillez sur les projets de loi.

Simon Jolin-Barrette, leader parlementaire de la CAQ

Pour le PQ et la CAQ, l’élection partielle dans la circonscription de Marie-Victorin représentait un important test électoral. L’un souhaitait l’emporter pour rappeler qu’il était toujours vivant, et l’autre, pour prouver que ses bons sondages des dernières années se concrétiseraient sur le terrain.

Prochain rendez-vous en octobre

Pierre Nantel n’a donc pas réussi à convaincre les électeurs de faire à nouveau confiance au Parti québécois. Au rassemblement péquiste, l’ambiance d’abord festive a rapidement changé au fur et à mesure que les résultats entraient. Pour le PQ, cette défaite est un bien mauvais signal à six mois des élections générales. Avec un nouveau chef, Paul St-Pierre Plamondon, qui n’est lui-même toujours pas élu, le parti devra expliquer à ses militants au cours des prochains jours comment il a perdu un château fort aussi crucial face à la CAQ.

Pour le chef conservateur Éric Duhaime, c’est une « grosse victoire » d’avoir devancé le PLQ, « l’opposition officielle qui a des millions de dollars par année en budget et qui n’est même pas dans le portrait ». « Notre premier objectif, c’était de battre un des partis » représentés à l’Assemblée nationale, a-t-il rappelé.

« Autant du côté du Parti québécois, de Québec solidaire et du Parti libéral, ils obtiennent un pourcentage plus faible. Et le seul parti d’opposition qui progresse considérablement, parce qu’on est partis de 0 % et qu’on est rendus à 10,5 %, c’est le Parti conservateur du Québec. Et Marie-Victorin, ce n’est pas une circonscription nécessairement facile pour les idées conservatrices au Québec », a-t-il ajouté.

Avec Tommy Chouinard, La Presse