L’approbation du projet Bay du Nord démontre que le discours environnemental du gouvernement Trudeau n’est que de la poudre aux yeux, selon le Bloc québécois.

Le chef bloquiste Yves-François Blanchet a fait jeudi matin une sortie en règle contre ce projet d’exploitation pétrolière au large de Terre-Neuve, en compagnie de trois de ses députés.

M. Blanchet a d’abord reproché au gouvernement d’avoir fait son annonce à la veille du dépôt de son budget, afin d’étouffer les réactions négatives avec un autre sujet d’importance. Mais surtout, il estime que cette annonce signifie la fin de l’engagement du Canada à maintenir le réchauffement climatique à 1,5 degré Celsius. Le Canada, dit-il, vient d’annoncer à la planète que « l’intention canadienne, qui est un énorme émetteur en matière d’hydrocarbures, est clairement de continuer à l’être et même, à l’être davantage ».

M. Blanchet a ainsi reproché au gouvernement Trudeau de faire preuve « d’hypocrisie institutionnelle » en tenant un discours environnemental qui ne rejoint pas les gestes qu’il pose. « Le gouvernement actuel est l’instrument de l’industrie pétrolière, tout autant que le serait un gouvernement conservateur. Je dirais, au crédit des conservateurs, c’est qu’ils ne font pas semblant. Ils n’ont pas été chercher un ancien militant écologiste passé du côté sombre de la force. »

Mauvais pour l’économie du Québec

Le chef bloquiste a aussi tenu à asseoir son opposition sur un argument économique, affirmant que « c’est globalement un gouvernement pétrolier qu’il faut dénoncer […] pour des raisons économiques qui sont extrêmement mauvaises pour le Québec ».

« Bon an mal mal an, malgré le refus du gouvernement de révéler des chiffres avec des définitions claires, ce n’est pas moins de 15 milliards [d’aide directe et indirecte à l’industrie pétrolière] et ça monte à des dizaines de milliards par année qui sont injectés dans l’industrie », a-t-il d’abord avancé.

Puis, il a rappelé qu’il s’agit de l’argent des contribuables et, donc, que le Québec se trouve à verser lui aussi des milliards à l’industrie. « Grosso modo, le quart de cet argent vient des Québécois, mais les retombées ne vont pas aux Québécois. Des milliards de dollars qu’on pourrait investir, nous, dans l’économie du futur, dans l’économie industrielle pour des marchés qui auront besoin de technologies propres. »

Cynisme, crédibilité et science

De son côté, sa députée Kristina Michaud, responsable du dossier des changements climatiques, a fait remarquer que le feu vert au projet Bay du Nord survient trois jours après le dépôt du rapport du GIEC faisant part de l’urgence de réduire les émissions de GES et à peine une semaine après la présentation du plan fédéral de réduction d’émissions canadiennes. « C’est difficile de ne pas être cynique quand ont voit ça et difficile de se dire, oui, le Canada veut faire les efforts nécessaires pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre. »

« La crédibilité [du ministre de l’Environnement Steven] Guilbeault en a pris un sacré coup », a-t-elle ajouté.

« Depuis des années, on entend ce gouvernement dire qu’il se base sur la science pour prendre ses décisions », a lancé pour sa part la bloquiste Monique Pauzé, porte-parole en matière d’environnement. « Mais la science, c’est le GIEC, c’est ce groupe d’experts international qui a dit qu’on ne devait plus faire aucune nouvelle extraction de pétrole. »

Menace à l’écosystème

Elle a également dénoncé l’intention d’aller forer dans un écosystème fragile. « C’est un lieu de biodiversité marine important avec des espèces en péril et s’il y a un déversement […] pour amener un bouchon dans le fond pour arrêter le déversement, ça prendra entre 18 et 28 jours. »

Enfin, le porte-parole bloquiste en matière de ressources naturelles, Mario Simard, a estimé que la production pétrolière de Bay du Nord obligera le Canada à séquestrer 430 mégatonnes de GES additionnelles.

« Tous les intervenants qui sont venus en comité parler de ces technologies de séquestration et de capture de carbone, sont venus nous dire que c’était infaisable », a-t-il dit.

« On sait très bien qu’on n’y arrivera pas. »