(Québec) À quelques mois de l’échéance électorale, le gouvernement Legault a finalement fait adopter jeudi son projet de loi 1, qui vise à apaiser la crise majeure qui secoue le milieu des services de garde depuis des années. Mais les parents devront se montrer patients.

À l’heure actuelle, on estime qu’il manque 51 000 places en garderie, du jamais vu, sans compter la grave pénurie d’éducatrices chargées de prendre soin des enfants.

Le projet de loi a été adopté à 77 voix en faveur et quatre contre, des voix discordantes provenant des banquettes péquistes. Contrairement aux députés libéraux et solidaires, l’opposition péquiste a choisi de voter contre la législation, convaincue qu’elle ne va pas dans le sens du programme de services de garde éducatifs (Centres de la petite enfance) mis sur pied en 1997 par Pauline Marois et le gouvernement Bouchard.

En conférence de presse, entouré de plusieurs partenaires du milieu, le ministre de la Famille, Mathieu Lacombe, a rappelé que son objectif était de compléter « une fois pour toutes » le réseau des services de garde d’ici 2025, notamment en modifiant le mode d’attribution de places, de manière à accélérer le processus.

« La game vient de changer », a dit le ministre, fier de sa nouvelle loi par laquelle il s’engage, avec le plan d’action qui l’accompagne, à créer 37 000 nouvelles places d’ici là, dans un éventuel second mandat. En parallèle, on devra former et embaucher quelque 17 800 éducatrices, un défi non négligeable en cette époque de pénurie de main-d’œuvre.

La commande est grosse et l’investissement requis sera important. Sur cinq ans (soit de 2021-2022 à 2025-2026), Québec évalue qu’il devra débourser 5,8 milliards additionnels pour financer le réseau. Dans les faits, plus modestement, la création de places comme telle coûtera 1,2 milliard en cinq ans, selon le tableau fourni par le ministère. Dans son calcul, le ministre inclut plusieurs coûts connexes, dont la rémunération à venir des éducatrices.

À court terme, cependant, rien ne va changer, en termes d’accès. Les femmes présentement enceintes et les parents d’un poupon à la recherche d’une place devront continuer à se débrouiller autrement.

Le ministre Lacombe a reconnu son impuissance à répondre rapidement à la demande, en disant que la solution immédiate au manque actuel de places « ça n’existe pas ».

Il a justifié le fait qu’il ait attendu en toute fin de mandat pour présenter une issue à la crise des services de garde par la nécessité de gérer la pandémie, qui a frappé les garderies, obligées momentanément de fermer leurs portes.

Selon la porte-parole péquiste, la députée Véronique Hivon, cette législation est « une occasion ratée », le ministre de la Famille, Mathieu Lacombe, n’ayant pas profité du changement de loi pour doter le Québec d’un véritable réseau complet de services de garde éducatifs à contribution réduite, sur le modèle de 1997.

Mme Hivon craint un développement anarchique du réseau au cours des prochaines années, notamment en raison du flou entretenu quant à la conversion de places non subventionnées en places subventionnées à 8,70 $ par jour.

Elle reproche aussi au ministre de ne pas avoir inscrit de façon spécifique dans la loi le droit de chaque enfant d’avoir une place. « Nos enfants méritent mieux, et c’est ce à quoi on se serait attendu d’un gouvernement qui se réclame de l’héritage du Parti québécois et de Mme Marois, mais qui ne respecte pas les principes à la base de ce réseau », que sont la qualité, l’accessibilité et l’universalité, a commenté Mme Hivon, en point de presse jeudi.

Avec la loi 1, le ministre se donne de nouveaux leviers pour lui permettre non seulement d’accélérer le processus, mais aussi de mieux encadrer le développement du réseau.

Québec va privilégier désormais un appel d’offres continu, et non des appels ciblés, comme dans le passé, ce qui entraînait des délais pouvant s’étirer sur plusieurs années.

La nouvelle loi va accorder plus de pouvoirs au ministre, notamment pour assurer un meilleur développement des services sur le plan régional. Faute d’intérêt manifesté par les promoteurs dans telle ou telle région, il pourra créer lui-même des places dans les régions où les besoins ne sont pas comblés.

Le mécanisme d’évaluation des besoins sera revu pour permettre au ministre de mieux déterminer l’offre.

La loi 1 fera aussi en sorte de créer un guichet unique, qui remplacera La Place 0-5, source de frustration pour les parents. Il faudra passer par ce guichet pour obtenir une place dès qu’il sera fonctionnel. Ce sera ainsi plus facile pour les parents de savoir quel rang ils occupent sur la liste d’attente, ce qui est pratiquement impossible actuellement.

Les règles d’inscription au guichet unique d’accès à une garderie seront formulées de manière à donner la priorité aux enfants vivant en milieu défavorisé.

Le nombre maximum d’enfants accueillis par installation passera de 80 à 100, et on pourra autoriser au besoin des locaux temporaires pour les accueillir.