(Ottawa) Les libéraux ont voté mercredi aux Communes en faveur d’une motion conservatrice qui demande au gouvernement d’augmenter les dépenses militaires « pour qu’elles atteignent au moins 2 % du produit intérieur brut » du Canada, la cible établie pour les pays membres de l’OTAN.

La motion, qui ne prévoyait pas d’échéancier, a été adoptée par 303 voix contre 27 ; les députés néo-démocrates et verts ont voté contre, les bloquistes ont voté pour.

L’invasion de l’Ukraine par les Russes a bouleversé la sécurité mondiale et créé une nouvelle priorité budgétaire pour les libéraux : augmenter les dépenses militaires, comme d’autres alliés de l’OTAN l’ont fait récemment.

Mais les impacts de la guerre en Ukraine vont bien au-delà du simple budget de la défense, a déclaré Elliot Hughes, de Summa Strategies, en soulignant les prix de l’énergie, la géopolitique et les décisions commerciales internationales.

« L’Ukraine a essentiellement, à certains égards, fait déraper le gouvernement un peu de sa trajectoire et de son calendrier dans sa capacité à rassembler ce que je crois être nécessaire […] une stratégie de croissance économique bien pensée », a déclaré M. Hughes, qui a déjà été conseiller auprès de ministres libéraux des Finances et de la Défense.

Après deux ans d’incertitude provoquée par la pandémie, les libéraux fédéraux se préparent à présenter un plan de dépenses mis à jour dans un budget 2022 qui, de l’avis de tous, a été influencé par des circonstances en évolution rapide.

Le résultat de quelques semaines tumultueuses devrait être publié jeudi, mais les experts notent que l’incertitude ne se sera pas évanouie pour autant. Les taux d’inflation élevés pourraient encore grimper ; le chômage est faible, mais les pénuries de main-d’œuvre sont généralisées. Les prix des logements augmentent à des rythmes jamais vus depuis des années. Et la guerre en Ukraine continue d’avoir des répercussions sur l’économie mondiale et de menacer la sécurité.

Un ancien directeur du budget libéral estime que le gouvernement devrait faire attention à la façon dont il affecte les milliards de nouvelles dépenses prévues, avec tant d’écueils à venir sur la route économique. Robert Asselin, vice-président principal des politiques au Conseil canadien des affaires, affirme que les décideurs ne savent jamais ce qui va se passer, et doivent veiller à ne pas envenimer les principaux problèmes auxquels le pays fait face.

Lorsque la ministre des Finances, Chrystia Freeland, a évoqué les grandes lignes du budget de cette année, fin janvier, elle a parlé de stimuler le potentiel économique du pays, de répondre aux problèmes d’accès au logement, de financer la transition vers une économie verte et de lutter contre les taux d’inflation élevés.

Quelques semaines plus tard, en février, les taux d’inflation ont atteint leur plus haut niveau en trois décennies, et les prix ont encore grimpé. Le coût de la vie est devenu une préoccupation économique majeure pour les Canadiens, même s’il a également pour effet de gonfler les recettes fiscales fédérales.

Pourtant, a déclaré M. Asselin, les dépenses fédérales qui augmentent la demande à court terme ne peuvent que jeter plus d’huile sur le feu inflationniste. « Dépenser ce tampon (les recettes fiscales) que l’économie leur apporte […] serait à mon avis très irresponsable, car vous devenez alors moins préparé à affronter la prochaine crise », a-t-il estimé.