(Québec) Dominique Anglade recule sur un amendement controversé qu’a fait adopter son parti à la réforme de la loi 101 et qui provoque des remous au sein de son caucus. Cette bourde motive plus que jamais un groupe militant anglophone à fonder un parti politique.

Ce que vous devez savoir

  • Dominique Anglade demande à Québec de retirer un amendement de son propre parti à la réforme de la loi 101.
  • L’amendement libéral aurait pour effet d’imposer des cours enseignés en français à tous les étudiants des cégeps anglophones, ce qui inclut les ayants droit.
  • Les autres partis d’opposition affirment que le Parti libéral est « déboussolé politiquement ».
  • Un groupe militant anglophone étudie plus que jamais l’idée de fonder un nouveau parti politique.

En mêlée de presse, mardi, la cheffe du Parti libéral a demandé à Québec de retirer un sous-amendement présenté par sa critique en matière de protection du français, Hélène David, qui aurait pour effet d’imposer à tous les étudiants des cégeps anglophones, incluant les ayants droit, de suivre des cours enseignés en français pour obtenir leur diplôme. La question a depuis été chaudement débattue au caucus libéral, où certains députés ont exprimé leur mécontentement.

Le projet de loi 96, qui modifie la Charte de la langue française, est à l’étape de l’étude détaillée en commission parlementaire. Il y a quelques semaines, alors que les élus étudiaient les articles concernant les cégeps, la députée libérale Hélène David a proposé de modifier un amendement déposé par le ministre Simon Jolin-Barrette pour que « tous les étudiants qui fréquenteront un cégep anglophone, qu’ils soient francophones, allophones ou ayants droit, c’est-à-dire ayant étudié majoritairement en anglais au primaire [et au] secondaire, [suivent] au moins trois cours en français, et non pas de français », dans le cadre de leurs études collégiales.

Dans l’amendement qui avait été initialement proposé par le gouvernement, les étudiants anglophones (appelés les « ayant-droits ») étaient exclus de cette mesure. Le député libéral David Birnbaum a salué le sous-amendement proposé par sa collègue Hélène David.

« On parle des établissements qui sont financés par les contribuables, par l’État. On parle des étudiants qui choisissent de continuer leurs études ici au Québec. Qu’ils aient cette obligation, qui s’ajouterait dans la plupart des cas à leurs études secondaires, où ils auraient eu à réussir [des cours] en français, la langue seconde, est tout à fait digne et normal », avait-il dit.

Au gouvernement de corriger l’erreur

En mêlée de presse, mardi, la cheffe libérale Dominique Anglade a affirmé qu’elle réalise désormais « à quel point [cette mesure] n’est pas applicable ». Elle a ensuite reconnu que son parti n’avait pas consulté les groupes anglophones avant de proposer ce sous-amendement. Si la situation n’est pas corrigée, des étudiants pourraient connaître des échecs, a-t-elle prévenu.

« La balle est dans le camp de la CAQ », a-t-elle dit, demandant au gouvernement de corriger le tir. En mêlée de presse, mardi, le premier ministre François Legault a rappelé que l’amendement libéral avait été appuyé par tous les partis. Il a ensuite souligné qu’il regardait « la situation avec les autres partis » avant de répondre à la demande de Mme Anglade.

Le député péquiste Pascal Bérubé estime pour sa part que l’étude du projet de loi 96 est devenue un carnaval. « Les libéraux demandent au gouvernement de retirer les amendements qu’ils ont eux-mêmes déposés, puis là, ils se font niaiser. Je veux dire, c’est un carnaval. […] C’est incroyable que les libéraux demandent d’être protégés d’eux-mêmes », a-t-il dit.

« Ce revirement, c’est surtout une illustration de la désorientation politique du Parti libéral du Québec. Il y a eu le virage nationaliste, le virage progressiste, le virage vert. Tout ça sont de beaux slogans, mais j’ai de petites nouvelles pour Dominique Anglade, aucun sondage dans la vie ne remplace les convictions », a pour sa part affirmé le chef parlementaire de Québec solidaire, Gabriel Nadeau-Dubois.

« Ce retournement sur les cours en français pour les anglophones, c’est juste une illustration du fait que c’est un parti qui est complètement déboussolé politiquement », a-t-il ajouté.

Le Parti québécois et Québec solidaire, qui ont appuyé le sous-amendement proposé par les libéraux, n’ont pas l’intention d’appuyer le Parti libéral dans sa requête face au gouvernement. Le ministre responsable de la Langue française, Simon Jolin-Barrette, n’a pas commenté le sujet. Au moment de l’adoption du sous-amendement, il avait toutefois salué l’initiative libérale.

Le PLQ « en chute libre »

Colin Standish, juriste dans un cabinet d’avocats à Sherbrooke et militant au sein du Comité exploratoire des options politiques, estime que les politiques « incohérentes » proposées par les libéraux donnent des munitions à ceux qui estiment qu’un nouveau parti défendant les droits des minorités et des anglophones doit être fondé au Québec.

Selon M. Standish, « le Parti libéral est en chute libre », a-t-il dit, ajoutant que l’opposition officielle « tourne en rond ».

« Notre réflexion évolue dans la bonne direction », a-t-il ensuite ajouté concernant la création d’un parti qui ferait compétition aux libéraux lors de la prochaine campagne électorale. Une décision serait annoncée au cours des prochaines semaines.