(Québec) Face à un déficit de places en garderie qui épargne Montréal et Laval, mais qui est criant dans plusieurs régions du Québec, la création de 37 000 nouvelles places ne suffit plus pour compléter le réseau d’ici 2025, a appris La Presse. Pour respecter sa promesse, le gouvernement Legault créera plus d’un millier de places supplémentaires à ce qui est prévu dans son « grand chantier pour les familles ». Aux parents qui craignent que cet objectif ne soit pas atteint, Mathieu Lacombe assure qu’aucune région ne sera en déficit au terme de cette opération.

Le défi est de taille pour le ministre de la Famille. Dans la plus récente mise à jour du taux de couverture des territoires des bureaux coordonnateurs, qui donne un portrait précis des déficits et des surplus de places en garderie en date du 31 décembre dernier, plus de 50 indicateurs sont au rouge foncé. Cela signifie que leur taux de couverture est inférieur à 84 %.

Les territoires qui vivent ce « déficit fort » de places en garderie sont parfois situés en régions éloignées, comme dans le Bas-Saint-Laurent, en Gaspésie et aux Îles-de-la-Madeleine, entre autres, mais aussi dans des municipalités en périphérie de la métropole ou dans de grandes villes du Québec. Certains arrondissements de la capitale sont par exemple touchés, tout comme des secteurs de Trois-Rivières, Sherbrooke, Gatineau, Joliette ou Rouyn-Noranda, notamment.

Le modèle d’estimation de l’offre et de la demande de places en garderie utilisé par le ministère de la Famille calcule également le taux de couverture projeté en 2024. En date du 31 décembre dernier, cette projection prévoyait toujours des déficits dans plusieurs secteurs, mais le calcul n’incluait pas l’ensemble des 37 000 places que le gouvernement promet de créer ni celles qu’il entend ajouter à ce nombre. Québec inclut dans le calcul les places offertes dans les services de garde reconnus, c’est-à-dire les centres de la petite enfance (CPE), les garderies subventionnées et non subventionnées, ainsi que les garderies en milieu familial.

« Écoutez-moi bien : ce sera à l’équilibre en 2025. […] S’il y a bien une certitude, s’il y a bien une chose que je peux vous affirmer, c’est qu’on va s’assurer que tout le territoire soit en équilibre et s’il manque des places, on va en ajouter », a promis M. Lacombe à La Presse.

Le défi de la migration interrégionale

Le ministre de la Famille et ses équipes ont également été confrontés depuis le début de la pandémie à l’accélération de la migration interrégionale des familles. Ce phénomène explique en partie pourquoi Québec bonifiera le nombre de places qu’il doit créer pour compléter le réseau des garderies.

Un surplus de places à Montréal ne se transfère pas aux familles qui s’en cherchent une en Estrie.

Le gouvernement doit également adopter dans les prochains jours son projet de loi 1, qui lui donne des pouvoirs additionnels pour que chaque enfant puisse avoir accès à un service de garde éducatif à l’enfance d’ici 2025. Cette nouvelle pièce législative permet à Québec de créer des centres de la petite enfance (CPE) dans les régions où aucun projet n’est déposé par la communauté, malgré le déficit de places.

« Le projet de loi 1 met aussi en place des comités consultatifs régionaux qui seront capables de nous dire en amont s’il y a de grandes entreprises en train de s’installer pour qu’on soit capables de développer des places avant que les enfants soient pris sur une liste d’attente », a affirmé le ministre.

Selon les données les plus à jour, 51 761 enfants sont actuellement inscrits au guichet unique d’accès au réseau et sont en attente d’une place désirée.

Délai de réalisation d’une place

Le ministre de la Famille, Mathieu Lacombe, a également revu ces derniers mois le processus menant à la création de nouvelles places en garderie afin d’accélérer le délai pour les réaliser. En simplifiant le processus, Québec s’est fixé l’objectif de réaliser des places dans un délai de 24 mois, plutôt que les 48 mois qui étaient nécessaires avant cette mise à jour. Le délai pour la création d’une place a depuis baissé à 36 mois. Si certains projets réussissent désormais à se concrétiser en 24 mois, certains ratent toujours la cible.

« C’est clair que la pandémie et la surchauffe dans l’industrie de la construction et sur le marché immobilier nous donnent quelques défis supplémentaires pour atteindre cette cible. Par contre, je pense que ce qui est important, c’est de voir la tendance », a justifié M. Lacombe, soulignant que le délai est somme toute à la baisse.

En attendant, des parents qui n’arrivent pas à trouver une place pour leur enfant en garderie, réunis dans l’organisme Ma place au travail, somment Québec de leur accorder une aide temporaire d’urgence.

La situation est particulièrement criante pour les poupons, où le manque de places est plus important dans le réseau.

Dans son dernier budget, le gouvernement Legault n’a pas accordé l’aide financière réclamée par les parents qui ne peuvent pas retourner sur le marché du travail. « C’est un sujet délicat, parce que je suis solidaire de ces parents-là. J’ai le même âge qu’eux, j’ai été dans la même situation qu’eux. Je suis de leur génération et je souhaite qu’eux et moi soyons la dernière génération qui aura eu à vivre avec ce problème », a affirmé à La Presse le ministre de la Famille.

« Quand Pauline Marois et Lucien Bouchard ont lancé la politique familiale en 1997 et qu’ils ont mis en branle la construction du réseau, il y avait encore plus de parents qui attendaient [pour une place]. Ce type de programme d’aide, qui coûterait une fortune, n’a pas été octroyé aux parents. Les gens comprenaient que ça prendrait un certain temps avant que le réseau se construise », a-t-il dit.

Une version antérieure de ce texte indiquait que le gouvernement créera « quelques milliers de places supplémentaires » à ce qui est prévu dans son « grand chantier pour les familles ». En entrevue, le ministre de la Famille, Mathieu Lacombe, a plutôt affirmé qu’il allait créer « plus d’un millier » de places supplémentaires. Le texte a été depuis été corrigé pour refléter les propos du ministre.