(Ottawa) Le NPD tient mordicus à ce que le gouvernement Trudeau jette les bases d’un programme national de soins dentaires pour les Canadiens à faible revenu dès le prochain budget, comme le prévoit l’entente conclue entre le premier ministre Justin Trudeau et le chef néo-démocrate Jagmeet Singh dévoilée cette semaine.

Cette entente, qui doit permettre au gouvernement libéral minoritaire de diriger le pays jusqu’en 2025 grâce à l’appui du NPD, aura une influence importante sur le contenu du prochain budget fédéral, qui devrait élargir le filet social au pays.

À moins d’un revirement de taille, la ministre des Finances Chrystia Freeland devrait déposer son prochain budget durant la première semaine d’avril, selon plusieurs sources consultées par La Presse jeudi.

« On s’attend évidemment à ce que le prochain budget reflète ce qui est dans l’entente qu’on a conclue cette semaine. Cela comprend le début du programme de soins dentaires pour les gens à faible revenu, qui doit commencer par les enfants de moins de 12 ans dès cette année », a affirmé le chef adjoint du NPD, Alexandre Boulerice, dans une entrevue avec La Presse.

En plus de réclamer un programme national de soins dentaires, qui pourrait coûter à terme 1,5 milliard de dollars par année, le NPD a obtenu l’engagement des libéraux de mettre sur pied un régime universel d’assurance médicaments de concert avec les provinces. Selon les calculs du directeur parlementaire du budget, un tel programme pourrait coûter 19 milliards de dollars au fisc une fois mis en œuvre à l’échelle du pays.

PHOTO PATRICK DOYLE, ARCHIVES REUTERS

Jagmeet Singh, chef du Nouveau Parti démocratique

L’entente prévoit aussi que l’Initiative pour la création rapide de logements, programme qui offre un soutien financier aux villes qui veulent construire des logements sociaux plus rapidement, soit prolongée d’une année. Ce programme était doté d’une enveloppe de 1,5 milliard de dollars l’an dernier. Également dans le secteur du logement, le NPD a obtenu la promesse qu’un supplément unique de 500 $ serait ajouté à l’Allocation canadienne d’aide au logement — une mesure qui pourrait toucher environ 300 000 Canadiens.

« Le gouvernement libéral doit commencer à donner suite aux conditions de l’entente dans le prochain budget. C’est incontournable », a assuré M. Boulerice, soulignant qu’Ottawa devait commencer à fermer le robinet des subventions au secteur des combustibles fossiles dès le prochain budget.

Des investissements militaires à prévoir

En plus de répondre à plusieurs demandes du NPD, la ministre Chrystia Freeland devra prévoir des investissements substantiels dans les Forces armées canadiennes, jugés impératifs à la suite de l’invasion russe en Ukraine. Depuis plusieurs années, le Canada se fait reprocher de ne pas consacrer l’équivalent de 2 % de son PIB aux dépenses militaires, comme le dictent les règles d’adhésion à l’OTAN. La ministre de la Défense nationale, Anita Anand, a soumis à la ministre des Finances divers scénarios budgétaires pour atteindre, voire dépasser cette cible de 2 %.

Le premier ministre Justin Trudeau a participé jeudi à un sommet extraordinaire des pays membres de l’OTAN à Bruxelles. En prévision de cette rencontre visant à peaufiner la riposte de l’alliance militaire à la guerre en Ukraine, le secrétaire général de l’OTAN Jens Stoltenberg a dit s’attendre à ce que tous les pays alliés, y compris le Canada, respectent l’engagement de consacrer 2 % de leur PIB aux dépenses militaires. Il a réitéré cette demande à l’issue du sommet de jeudi.

Le deuxième budget que présentera la ministre Freeland annoncera donc une hausse marquée des dépenses fédérales — une situation qui inquiète certains députés libéraux qui exigent un retour à une discipline budgétaire.

« Il ne fait aucun doute que nous faisons face à des défis importants en matière de dépenses. Nous avons besoin de revoir à la hausse nos dépenses militaires aussi. Je n’envie aucunement la tâche de la ministre des Finances qui doit trancher tout cela », a affirmé cette semaine le député libéral de l’Ontario John McKay, qui préside le comité de la défense nationale de la Chambre des communes.

Prudence, réclame le milieu des affaires

Les gens d’affaires pressent aussi le gouvernement Trudeau de s’astreindre à la plus grande prudence au moment où l’économie mondiale est bousculée par la guerre en Ukraine et tandis que les contrecoups de la pandémie se font toujours sentir sur les chaînes d’approvisionnement.

« Il est très important que le budget fédéral envoie tous les bons signaux en matière de gestion prudente des finances publiques. Il n’est pas nécessaire de stimuler une économie qui fonctionne bien, qui a un faible taux de chômage, mais une forte inflation », a affirmé Goldy Hyder, le président et directeur général du Conseil canadien des affaires.

« Tout stimulus ou dépense inutile en général augmenterait le risque d’inflation, ce qui nuirait aux Canadiens qui connaissent déjà une hausse des coûts de l’énergie, du logement et des aliments en raison de l’instabilité géopolitique et des pressions persistantes sur la chaîne d’approvisionnement en raison de la pandémie. L’inflation creusera le fossé entre les riches et les pauvres. Personne ne veut cela », a-t-il ajouté.