(Bruxelles) Justin Trudeau a lancé mercredi un appel aux dirigeants européens pour que les démocraties s’unissent contre l’invasion non provoquée de l’Ukraine par la Russie et qu’elles s’attaquent aux incertitudes croissantes des citoyens concernant leur avenir.

S’adressant aux parlementaires européens, mercredi à Bruxelles, le premier ministre a déclaré que ces incertitudes économiques avaient percolé pendant des années, mais qu’elles étaient désormais alimentées par une inflation galopante dans le monde.

M. Trudeau a affirmé au Parlement européen que les frustrations économiques menaçaient la stabilité mondiale et alimentaient une profonde incertitude quant à l’avenir, mais aussi une profonde méfiance envers les gouvernements.

Le premier ministre a également soutenu que les démocraties sont confrontées à une nouvelle menace, venant du président russe Vladimir Poutine et de son invasion de l’Ukraine. Il a d’ailleurs qualifié cette invasion de violation du droit international, avec le ciblage et le meurtre de civils dans les hôpitaux et les immeubles résidentiels.

M. Trudeau a déclaré que cette guerre en Ukraine constituait une menace non seulement pour la sécurité de l’Europe, mais aussi pour celle des démocraties occidentales et du monde entier.

« L’attaque de Poutine contre l’Ukraine est une attaque contre les valeurs qui forment les piliers de toutes les démocraties, a-t-il dit. Nous avons la responsabilité de montrer aux gens pourquoi ces valeurs sont si importantes – pas seulement pour les Ukrainiens, mais pour nous tous.

« Nous devons nous réengager dans le travail de renforcement de nos démocraties et démontrer le leadership fondé sur les principes, auquel s’attendent les gens. »

Le « convoi de la liberté »

Le discours au Parlement européen intervient au premier jour d’un voyage éclair à Bruxelles, deuxième visite de M. Trudeau sur le continent ce mois-ci. C’est aussi le deuxième discours de M. Trudeau devant les parlementaires européens. Celui de 2017 se voulait un encouragement pour un continent encore sous le choc du vote britannique pour quitter l’Union européenne, un an plus tôt, au moment où les Américains choisissaient d’élire Donald Trump à la présidence.

M. Trudeau a d’ailleurs fait référence à ce discours d’il y a cinq ans, mercredi, soulignant qu’à l’époque, tout le monde dans la salle pouvait voir quelque chose se pointer à l’horizon qui menaçait l’ordre international.

Il a ainsi évoqué dans son discours les manifestants qui ont paralysé les rues autour de la colline du Parlement, le mois dernier. Il a soutenu mercredi que les organisateurs du « convoi de la liberté » avaient utilisé les angoisses des citoyens pour retourner la population contre un système démocratique qui, selon lui, est pourtant le mieux adapté pour apaiser leurs préoccupations. M. Trudeau a fait valoir que les gouvernements peuvent et doivent jouer un rôle positif dans la vie des gens.

Aider à la transition énergétique

Sur le plan économique, l’invasion russe de l’Ukraine – qui, selon M. Trudeau, équivaut à des crimes de guerre alors que les forces russes ciblent des civils dans des hôpitaux et des immeubles résidentiels – a entraîné une flambée des prix mondiaux du pétrole et de l’essence.

Cela a également fait grimper les prix alimentaires mondiaux parce que l’Ukraine est un exportateur important de blé, qui fournit le Programme alimentaire mondial des Nations Unies.

En réponse, l’Europe et le Canada ont convenu d’offrir une aide alimentaire directe et d’augmenter l’approvisionnement en produits agricoles en général, a déclaré la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen.

L’Europe se tourne également vers le Canada pour le pétrole et le gaz dans le cadre d’un plan visant à aider le continent à mettre fin à sa dépendance aux combustibles fossiles russes.

Lors d’un discours avant un dîner de travail avec Mme von der Leyen, M. Trudeau a déclaré que le Canada est déterminé à continuer de montrer la voie vers la carboneutralité, « en décarbonant autant que possible ».

« En même temps, alors que nous reconnaissons la nécessité pour les nations de remplacer le pétrole et le gaz russes à court terme, nous allons, bien sûr, examiner les moyens par lesquels le Canada peut aider. »

Les deux ont également annoncé un groupe du G7 visant à garantir que les Russes et les organisations ciblés ne pourront pas échapper aux sanctions économiques qui leur sont imposées.

Au siège de l’OTAN jeudi

D’autres options pour mettre fin aux combats seront à l’ordre du jour jeudi lorsque M. Trudeau se joindra à d’autres dirigeants de l’OTAN pour coordonner la réponse de l’alliance militaire à l’attaque de la Russie contre l’Ukraine.

Le premier ministre a dit aux élus européens, mercredi, que les pays occidentaux devaient collectivement fournir plus d’aide humanitaire aux familles touchées par la guerre en Ukraine, envoyer du matériel militaire et une aide létale, et renforcer encore les sanctions économiques contre M. Poutine et ses alliés en Russie et en Biélorussie.

« Nous devons veiller à ce que la décision d’envahir un pays souverain et indépendant soit clairement comprise comme un échec stratégique entraînant des coûts exorbitants pour Poutine et la Russie », a déclaré M. Trudeau, sous les applaudissements.

M. Trudeau avait effectué une tournée en Europe il y a deux semaines, avec des rencontres à Londres, Berlin, Varsovie et ailleurs en Pologne. Il a aussi rendu visite aux militaires canadiens à la tête d’un groupement tactique multinational de l’OTAN en Lettonie.

M. Trudeau fera face à des pressions à Bruxelles pour augmenter le budget militaire du Canada qui, selon les estimations de l’OTAN, représente 1,39 % du produit intérieur brut du pays en 2021. Les pays membres se sont donné comme objectif de consacrer 2 % de leur PIB à la défense.

« L’Ukraine contribue à rendre les dépenses de défense plus acceptables pour les Canadiens », a déclaré Andrea Charron, directrice du Centre d’études sur la défense et la sécurité de l’Université du Manitoba. « Je pense que nous avons désespérément besoin de capacités de défense antiaérienne au sol et d’un nouvel avion de chasse (pour remplacer les CF-18). »

Avec Zelensky mardi

Avant de quitter Ottawa, mardi, M. Trudeau s’était entretenu avec le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, au sujet de « la poursuite de l’aide internationale en prévision des rencontres prochaines de l’OTAN et du G7 », a indiqué le cabinet du premier ministre dans un compte rendu.

« Les deux dirigeants ont exhorté la Russie à cesser de cibler des civils, à retirer ses forces militaires du territoire ukrainien et à entreprendre des démarches diplomatiques avec l’Ukraine. »

Sur Twitter, M. Zelensky a déclaré qu’il avait spécifiquement parlé de la « catastrophe humanitaire » qui se déroule dans la ville assiégée de Marioupol et de « l’importance de garanties de sécurité efficaces » pour l’Ukraine.