(Ottawa) Jean Charest estime qu’en ce qui concerne la levée des mesures sanitaires fédérales, les dirigeants politiques devraient d’abord se fier à la science, plutôt qu’à leur propre jugement.

Les conservateurs fédéraux et leurs partisans réclament depuis longtemps la suppression de la vaccination obligatoire pour les passagers des vols intérieurs, les fonctionnaires et ceux qui travaillent dans les secteurs sous réglementation fédérale.

Les députés conservateurs soutiennent aussi que ceux qui choisissent de ne pas se faire vacciner devraient pouvoir remplacer cette vaccination obligatoire par un dépistage régulier.

Lorsque le premier ministre Justin Trudeau a annoncé, avant les élections fédérales de l’été dernier, ces obligations de preuves vaccinales, les députés conservateurs ont estimé qu’il s’agissait là de mesures qui alimentaient la division au Canada et menaçaient les moyens de subsistance d’honnêtes travailleurs.

Plus récemment, les conservateurs ont souligné la décision des provinces d’abandonner le passeport vaccinal et d’autres restrictions sanitaires, avec l’apaisement de la vague Omicron.

M. Charest estime toutefois que les décisions concernant les obligations fédérales toujours en place devraient être prises en suivant les recommandations des professionnels de la santé, « qui sont là pour ça », dit-il.

« Nous ne devrions pas essayer d’y substituer notre jugement. Il y a toujours un élément de jugement politique », déclarait jeudi le candidat à la direction du Parti conservateur, lors d’une entrevue de fond.

M. Charest estime par ailleurs que les Canadiens devraient obtenir des autorités plus d’avis sur ce à quoi s’attendre dans les mois à venir, afin de pouvoir planifier leur vie.

« Un chef doit tracer une ligne claire »

Contrairement à M. Charest, la plupart des autres candidats à la direction conservatrice s’opposent aux obligations sanitaires et font campagne là-dessus.

Pierre Poilievre, en particulier, est un de ceux-là. Premier candidat à se lancer dans la course, le député de la région d’Ottawa s’est rapidement positionné comme celui qui redonnerait des libertés aux Canadiens.

Il a également apporté son soutien au convoi de manifestants venus à Ottawa, fin janvier, afin d’exiger la fin de la vaccination obligatoire pour les camionneurs – et qui ont tenu un siège de trois semaines, incitant les élus locaux, la police et M. Trudeau à parler de « crise ».

M. Charest croit que la colère et la lassitude que ressentent les gens à propos de la pandémie sont tout à fait légitimes et que les participants au convoi méritaient d’être entendus. Mais un chef de parti, a-t-il dit, doit tracer une ligne claire entre faire ce qui est populaire et faire respecter la primauté du droit.

« Il s’agit de choisir un adulte dans la salle pour diriger le parti, unir le parti, a-t-il déclaré. Vous ne pouvez pas dire aux gens, par exemple aux groupes autochtones, s’il y a une manifestation, une fois : “c’est illégal”, puis dire pour une autre manifestation : “ça, ce n’est pas grave”. »

Sans nommer personne, M. Charest faisait visiblement référence à M. Poilievre, qui avait réclamé la fin des blocages ferroviaires organisés par des manifestants en 2020 au sujet de la construction d’un pipeline sur le territoire d’une communauté autochtone en Colombie-Britannique.

De son côté, M. Poilievre qualifie Jean Charest de « libéral ». Il a fait circuler des images de M. Charest aux côtés de Justin Trudeau, l’a critiqué pour son travail auprès de la société chinoise Huawei et l’a qualifié de partisan de la « taxe carbone » fédérale, qui est honnie par de nombreux militants conservateurs.

M. Charest a qualifié jeudi ces attaques de « politique à la Trump ». M. Poilievre rétorque que M. Charest tente de détourner l’attention de son propre bilan, alors que lui se concentre à faire du Canada « le pays le plus libre du monde ».

Oui à la tarification du carbone

Ceux qui observent la campagne de M. Charest peuvent se demander quelle forme pourrait prendre son programme environnemental, étant donné qu’il a mis en place au Québec, lorsqu’il était premier ministre, un système de plafonnement et d’échange de droits d’émission de gaz à effet de serre (la « bourse du carbone »).

M. Charest assure qu’il est d’accord avec l’idée de mettre un prix sur le carbone, mais il ne veut pas encore annoncer si son programme environnemental prévoirait une tarification pour les biens de consommation comme les carburants.

« La tarification du carbone ne peut pas pénaliser ceux qui vivent en zones rurales. Elle ne peut pas être discriminatoire à leur endroit, précise-t-il par ailleurs. Le prix du carbone doit être quelque chose de simple et flexible, mais pas punitif. La clé réside dans son élaboration. »

S’il rejette le ton de son adversaire Poilievre dans la course, M. Charest a été plus élogieux envers un autre candidat, Patrick Brown. L’actuel maire de Brampton est entré en politique en tant que jeune progressiste-conservateur et appuyait M. Charest lorsqu’il dirigeait ce parti fédéral dans les années 1990.

« J’ai une bonne relation avec Patrick, soutient M. Charest. Nous sommes restés en contact au fil des ans, et j’ai donc beaucoup de respect pour Patrick. Et je pense que c’est une bonne chose qu’il soit dans cette course. »

Les conservateurs éliront leur nouveau chef le 10 septembre.