Les revenus liés au marché du carbone dopent le « fonds vert » du gouvernement

(Québec) Le gouvernement Legault empoche 500 millions de plus que prévu dans son « fonds vert » en raison d’une embellie du marché du carbone, qui explique en partie la flambée du prix de l’essence. Il profitera de cette manne pour financer de nouvelles mesures environnementales dans son budget qui sera déposé mardi, a appris La Presse.

Québec s’attendait à recueillir 800 millions dans son Fonds d’électrification et de changements climatiques – autrefois appelé Fonds vert – en 2021-2022 pour financer son Plan pour une économie verte. Mais surprise : les revenus liés au marché du carbone sont plutôt de 1,3 milliard.

Cette marge de manœuvre additionnelle arrive en pleine année électorale et rend le portrait des finances publiques encore plus reluisant pour Québec. Rappelons que même si le ministère des Finances prédit toujours un déficit de 6,8 milliards pour l’année en cours, il affiche un surplus de 1,5 milliard de dollars après huit mois d’exercice financier en raison de la performance de l’économie québécoise.

Hausse importante

La cagnotte s’est constituée en raison d’une hausse importante du prix du droit de polluer. Les derniers mois ont été marqués par l’inflation : le panier d’épicerie a coûté plus cher, tout comme les loyers ou l’immobilier. Mais ce n’est rien en comparaison de la tonne de gaz à effet de serre payée par les entreprises polluantes lors des enchères du marché du carbone Québec-Californie : le prix a bondi de 63,9 % de mai 2021 à février 2022.

Cette hausse a un impact direct sur le portefeuille des Québécois. Les distributeurs de carburants achètent les droits de polluer, puis en refilent le coût aux consommateurs.

Au prix des enchères de février, pour les automobilistes, cela se traduit par l’équivalent d’une taxe de 8,6 cents le litre, selon les calculs du professeur Pierre-Olivier Pineau, titulaire de la Chaire de gestion du secteur de l’énergie à HEC Montréal.

Selon nos informations, Québec financera de nouvelles mesures dans son Plan pour une économie verte, et des mesures additionnelles ont déjà été autorisées. Le ministre de l’Environnement, Benoit Charette, fera une mise à jour de son plan quelques semaines après le dépôt du budget en tenant compte de leur impact sur la réduction des émissions de GES du Québec, notamment.

Pour financer son plan vert, Québec prévoyait également injecter lui-même des sommes additionnelles, dont près de 300 millions en 2022-2023. Lors de l’annonce de sa politique-cadre de lutte contre les changements climatiques 2021-2026, Québec prévoyait investir 4,1 milliards « provenant des revenus du marché du carbone », et 2,1 milliards « ajoutés en crédits budgétaires ». « Ces ajouts représentent une bonification du financement de 50 % par rapport aux revenus du marché du carbone », expliquait-on. Il reste à savoir si ces crédits seront maintenus, réduits ou rehaussés, en plus de la contribution additionnelle du marché du carbone.

Impossible également de connaître exactement le surplus accumulé dans le Fonds d’électrification et de changements climatiques. En mars 2020, il avait des excédents accumulés de 1,7 milliard. En 2021, ce surplus était de 1,445 milliard.

Structure plus souple

Cette cagnotte non dépensée était pourtant durement critiquée par le gouvernement Legault, qui, à son arrivée au pouvoir, disait vouloir utiliser dans les plus brefs délais ces « sommes en dormance ». « Les sommes qui sont actuellement dormantes, je ne peux pas accepter ça longtemps. Il faut que les sommes servent de façon efficace à réduire les gaz à effet de serre », affirmait-on en 2018.

Au Ministère, on explique cependant qu’une nouvelle structure permet d’éviter l’accumulation de ces surplus qui plombent historiquement l’effort de lutte contre les changements climatiques du Québec.

Avec cette souplesse, il peut en cours d’année réaffecter de l’argent qui était destiné à un programme moins populaire que prévu. Des fonctionnaires surveillent chaque mois les dépenses dans chacun des programmes financés par le Plan pour une économie verte, et peuvent ainsi prévenir les surplus.

La question de la transparence du Fonds refait toutefois surface. Mercredi, le ministère de l’Environnement déposait enfin son rapport 2019-2020 sur le Fonds vert, qui a été signé par le sous-ministre Marc Croteau le 8 décembre dernier. Et surprise : la vérificatrice générale y émet une « réserve » sur l’audit de ses résultats financiers. Elle s’interroge sur les frais administratifs que le Ministère se fait rembourser par le Fonds.

« Je n’ai pas été en mesure d’obtenir l’ensemble des éléments probants suffisants et appropriés concernant la réalité d’une partie importante des frais de gestion liés à la réalisation des activités et à l’administration du Fonds », écrit-elle dans le document.

« Pour une portion de ces frais, soit 18,2 millions, nous n’avons pas obtenu de pièces justificatives suffisantes pour être en mesure de déterminer si ce montant de frais de gestion aurait dû être chargé au Fonds vert au 31 mars 2020 », a expliqué Andréane Lespérance, responsable des communications du Vérificateur général du Québec, à La Presse. Il s’agit d’un problème récurrent, puisque le chien de garde avait trouvé 30 millions en dépenses administratives non justifiées l’année précédente.