(Ottawa) Le premier ministre Justin Trudeau et plusieurs de ses ministres, dont Mélanie Joly aux Affaires étrangères et Anita Anand à la Défense nationale, sont dorénavant persona non grata en Russie. Cela vaut également pour les autres chefs de parti aux Communes et la quasi-totalité des élus fédéraux, toutes formations politiques confondues.

Le Kremlin a interdit l’entrée sur son territoire à 313 Canadiens au total, et ce, en date du 15 mars. La liste publiée sur le site du ministère des Affaires étrangères russe est composée en vaste majorité de députés de la Chambre des communes, soit 289 sur un total possible de 338.

La liste noire a été dévoilée alors que les élus recevaient mardi la visite virtuelle du président de l’Ukraine, Volodymyr Zelensky, qui s’est adressé à eux en cette 20journée de l’invasion de son pays par la Russie. De nouvelles sanctions visant 15 personnes proches du régime ont aussi été annoncées à cette occasion.

Selon la version anglaise d’une dépêche de l’agence de presse Tass, porte-voix du régime de Vladimir Poutine, la mesure est adoptée en réaction aux « actions hostiles du régime canadien actuel », lesquelles « vont bien au-delà des limites de la décence ».

« Chaque geste russophobe, qu’il s’agisse d’attaques contre des missions diplomatiques russes, de fermeture de l’espace aérien ou de rupture des liens économiques bilatéraux par Ottawa […], aura inévitablement une réponse résolue et symétrique », a ajouté l’agence en citant le ministère des Affaires étrangères de la Russie.

Le bureau de Justin Trudeau a réagi mardi en affirmant que « la seule réponse de la Russie qui nous intéresse est la fin immédiate de cette guerre illégale et inutile en Ukraine », et que « d’ici là, le Canada et ses alliés continueront d’imposer des sanctions paralysantes à Poutine et à ses complices en Russie et en Biélorussie ».

« Le peuple ukrainien et le président Zelensky continuent d’avoir notre soutien indéfectible », a-t-on ajouté.

Mélanie Joly, elle, a tourné l’affaire en dérision lorsqu’on lui a demandé d’y réagir dans le foyer de la Chambre après l’allocution du dirigeant de l’Ukraine. Sourire en coin, elle s’est contentée de dire que cela n’entamait pas la détermination du gouvernement canadien.

« On savait qu’il allait y avoir des contre-sanctions, donc il n’y a pas de surprise. Mais ça ne va pas faire en sorte qu’on va reculer », a assuré la ministre, rappelant qu’Ottawa avait sanctionné directement Vladimir Poutine et les membres de la Douma [Parlement russe], et que la riposte était ainsi à prévoir.

« Merci, Vladimir ! »

Le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, n’en a pas fait grand cas non plus.

En fait, il a pouffé de rire quand une journaliste lui a appris que les portes de la Russie lui étaient désormais fermées. « Suis-je sur la liste ? Oh, d’accord ! Merci, Vladimir ! », a-t-il lâché du tac au tac en dirigeant son regard vers la caméra.

« Je remercie le président Poutine de me reconnaître comme un adversaire de son régime odieux. Et je dois vous avouer que dans mes plans de vacances, il n’y avait pas la Russie », a ajouté M. Blanchet, qui était entouré de ses députés Alexis Brunelle-Duceppe et Stéphane Bergeron, eux aussi interdits d’entrée.

PHOTO PATRICK DOYLE, REUTERS

Yves-François Blanchet, chef du Bloc québécois

La cheffe intérimaire du Parti conservateur, Candice Bergen, le leader néo-démocrate Jagmeet Singh et la députée verte Elizabeth May ont eu droit au même traitement. Cette dernière s’est dite « honorée » d’avoir été bannie par le régime de Vladimir Poutine dans un message publié sur Twitter.

Les noms de tous ces députés fédéraux s’ajoutent à ceux d’autres élus des Communes qui avaient déjà perdu le droit de fouler le sol russe, dont la vice-première ministre Chrystia Freeland, qui a toujours pourfendu le régime du président Vladimir Poutine.

Aucun motif n’est exposé par Moscou pour justifier la présence ou l’absence d’élus sur la liste noire. À l’ambassade de la Russie au Canada, on a répondu plutôt sèchement aux demandes de précisions de La Presse.

« Vous savez, nous n’arrivions pas non plus à comprendre la logique du gouvernement canadien qui n’avait pas inclus dans sa propre liste de sanctions certains de nos députés », a-t-on écrit dans un courriel mardi en fin de journée.

Aussi aux États-Unis

La Russie a par ailleurs puni de la même manière le président des États-Unis, Joe Biden, le secrétaire d’État des États-Unis, Antony Blinken, et la porte-parole de la Maison-Blanche, Jen Psaki. L’ancienne secrétaire d’État et candidate démocrate à la présidence Hillary Clinton est aussi sanctionnée.

« Je tiens à remercier l’Académie russe pour ce prix soulignant l’ensemble de ma carrière [Lifetime Achievement Award] », a raillé celle-ci sur Twitter.