(Ottawa) Le Canada imposera des sanctions au président russe Vladimir Poutine, son chef de cabinet et son ministre des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov. Le régime biélorusse est également visé pour avoir « facilité cette invasion ». En tout, 57 personnes sont ciblées par ces nouvelles sanctions.

« On annonce également que le Canada appuie fortement le retrait de la Russie du réseau bancaire Swift », a déclaré le premier ministre Justin Trudeau en conférence de presse vendredi en fin d’après-midi, la cinquième depuis le début de la semaine. En début de journée, le premier ministre avait participé à la réunion des dirigeants de l’OTAN pour discuter de la situation en Ukraine.

Il s’agit de la troisième salve de sanctions imposées par le Canada en collaboration avec ses alliés depuis mardi. L’Union européenne et la Grande-Bretagne avaient annoncé un peu plus tôt l’imposition de sanctions sans précédent contre Vladimir Poutine et son ministre des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov. Les États-Unis ont emboîté le pas peu de temps après l’annonce du Canada.

« Poutine a choisi de renverser 75 ans de paix en envahissant un voisin paisible, qui évitait la provocation, et nous répondons fermement tout en étant unis, a affirmé M. Trudeau, saluant au passage le courage du président Volodymyr Zelensky et du peuple ukrainien.

Avec ces nouvelles sanctions aujourd’hui, nous démontrons que la fortune personnelle de Poutine et sa fortune qui est gérée par d’autres courent un risque important à cause de sa terrible erreur.

Le premier ministre Justin Trudeau

L’ambassadeur de Russie à Ottawa, Oleg Stepanov, a dénoncé cette nouvelle vague de sanctions dans une entrevue accordée à Sputnik, agence de presse du gouvernement russe. Le Canada et ses alliés « se rapprochent du point de rupture de leurs relations avec la Russie », a rapporté le média vendredi.

Le président Vladimir Poutine ne détiendrait pas d’avoirs au Canada, mais le premier ministre Trudeau a insisté sur la nécessité pour les pays de l’Occident de montrer un front uni et d’avoir une approche coordonnée pour répondre à l’agression russe en Ukraine. Ces sanctions permettront aussi de fermer des échappatoires qui lui permettraient de déplacer son argent d’un endroit à un autre.

PHOTO ADRIAN WYLD, LA PRESSE CANADIENNE

Mélanie Joly, ministre des Affaires étrangères

La ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, a indiqué qu’elles visaient aussi à dissuader la Russie de poursuivre son attaque.

« Il est trop tard pour la dissuasion parce que Poutine a déjà envahi l’Ukraine, mais je pense que cet homme est dangereux, qu’il pourrait poser d’autres gestes et que c’est donc une façon de déstabiliser son régime », a analysé en entrevue Fen Hampson, professeur émérite de relations internationales de l’Université Carleton, à Ottawa, et président du Conseil mondial pour les réfugiés et la migration.

Il estime que le gouvernement devrait aller encore plus loin en ne se bornant pas à geler les avoirs du président et de son entourage, mais en les confisquant pour financer l’aide humanitaire requise en Ukraine. Son idée a été reprise par la sénatrice indépendante Ratna Omidvar, dont un projet de loi en ce sens est en deuxième lecture à la Chambre haute.

Nous avons besoin de sanctions qui ont plus de mordant.

Ratna Omidvar, sénatrice indépendante

Cri du cœur de six députés ukrainiens

Plus tôt dans la journée, six députés ukrainiens s’étaient adressés aux médias canadiens depuis leur pays par l’entremise de la plateforme Zoom. L’évènement était organisé par le Centre parlementaire, organisme voué au renforcement de la démocratie dans le monde.

Parmi eux, une députée était connectée avec son téléphone dans sa voiture parce qu’elle revenait d’aller porter des armes et de la nourriture dans un poste de défense. « S’il y a des frappes, je ne serai pas capable de me mettre à l’abri », a dit Yulia Klymenko, du parti Holos, qui est pro-européen.

Les députés ont demandé la création d’une zone d’exclusion aérienne en Ukraine, le retrait de la Russie du réseau bancaire Swift, un embargo sur le gaz et le pétrole russes et l’imposition de sanctions contre sa banque centrale pour toucher son « coffre de guerre ».

« Il ne s’agit pas que d’une guerre entre deux pays qui ont déjà fait partie de l’Union soviétique, c’est un changement draconien du paysage géopolitique parce que maintenant, si nous perdons, c’est tout le monde démocratique qui va perdre aussi », a plaidé Mme Klymenko.

L’OTAN a procédé vendredi à des renforcements défensifs, mais n’a pas fait appel au Canada. « Nous avons la capacité de nous déployer si on nous le demande », a indiqué la ministre de la Défense nationale, Anita Anand. L’Ukraine n’est pas membre de l’Alliance, mais l’Estonie, la Lettonie et la Lituanie le sont.

Le Canada égalera les dons à la Croix-Rouge

Le gouvernement fédéral a annoncé vendredi qu’il donnerait une somme égale aux dons faits à la Croix-Rouge entre le 24 février et le 18 mars pour la crise humanitaire en Ukraine, jusqu’à concurrence de 10 millions de dollars. L’organisme a lancé sa collecte de fonds jeudi. L’argent amassé servira à mener des opérations de secours, à répondre aux besoins de la population ukrainienne et à venir en aide à ceux qui se sont déplacés dans les pays voisins. Cette somme s’ajoute aux 50 millions déjà annoncé pour l’aide humanitaire en Ukraine et aux 620 millions de dollars en prêts pour soutenir l’économie du pays.