(Québec) La commissaire à l’éthique est « hautement préoccupée » par l’usage de fonds publics à des fins partisanes par la CAQ. Des employés de circonscription payés par l’Assemblée nationale ont reçu le mandat de concevoir un plan de placements média en vue de la campagne électorale.

« Je suis hautement préoccupée par l’ampleur des biens et services de l’État qui pourraient être, ou pourraient avoir été, utilisés à cette fin », a écrit la commissaire à l’éthique et à la déontologie, Ariane Mignolet, dans un rapport publié jeudi. Elle parle de centaines d’heures de travail.

La commissaire a découvert le pot aux roses en enquêtant, comme l’avait révélé La Presse en novembre, sur une formation caquiste portant sur les « planifications et achats médias » en vue des futures élections. Selon les libéraux, qui ont fait la plainte, il s’agit d’une « formation partisane » payée avec les deniers publics.

Ariane Mignolet conclut d’ailleurs que le whip caquiste Éric Lefebvre a violé le code d’éthique puisqu’il ne s’était pas assuré que « le matériel et les adresses courriel des membres de son personnel, ainsi que leur temps de travail, soient uniquement utilisés pour des activités liées à l’exercice de sa charge ».

La formation, offerte durant les heures de bureau, fixait des objectifs électoraux en matière d’amis Facebook à rejoindre, de « sympathisants à attirer, de membres à recruter et de financement à recueillir », par exemple.

Mais en creusant davantage, le chien de garde éthique de l’Assemblée nationale a découvert que « les membres du personnel des bureaux de circonscription ont reçu le mandat d’élaborer un plan de placements média en vue de la précampagne et de la campagne électorale ».

« Il est évident que cette tâche […] nécessitera plusieurs heures de travail pour la ou les personnes impliquées dans sa réalisation au sein de chaque bureau de circonscription. Considérant que la demande concerne l’ensemble des bureaux de circonscription du groupe parlementaire formant le gouvernement, plusieurs centaines d’heures pourraient être consacrées à cette fin », a-t-elle dit.

Elle demande à tous les députés de « prendre immédiatement les dispositions nécessaires » pour s’assurer que le « temps consacré à des activités partisanes n’a pas été rémunéré par l’Assemblée nationale ».

Évènements partisans

Au cœur de l’affaire, la plateforme Coaliste, qui « centralise les informations des électeurs caquistes ». « La preuve a effectivement révélé que cette plateforme multifonctions est utilisée sur une base régulière, voire quotidienne, par les membres du personnel des bureaux de circonscription », note Mme Mignolet. Ils s’en servent tant pour faire des « commandes de produits publicitaires concernant la participation de leur député à un évènement destiné aux citoyens de sa circonscription que pour les commandes qui concernent la participation de celui-ci à des évènements partisans », note-t-elle.

La commissaire révèle également que l’Assemblée nationale héberge sur ses serveurs une plateforme de conférences virtuelles développée par la Coalition avenir Québec et « pilotée entièrement par le cabinet du whip ».

« Tous les citoyens ont accès à la plateforme et sont invités à des rencontres avec leur député au moyen d’appels automatisés ou d’annonces dans les journaux », note la commissaire. La CAQ rétorque que cette plateforme n’est utilisée que « dans le cadre de l’exercice de la charge des élus et non à des fins partisanes ».

De son côté, M. Lefebvre n’a pas répondu aux questions des journalistes jeudi. Dans une déclaration écrite, il affirme avoir « rapidement entrepris des démarches visant à sensibiliser l’ensemble de [son] personnel et du personnel des bureaux de circonscription ».

En 2017, la CAQ dénonçait pourtant ce genre de pratique. Le député Éric Caire avait même accusé le Parti québécois de commettre un « véritable détournement de fonds », car des employés de l’aile parlementaire de ce parti s’étaient fait prendre à faire du travail partisan. Le député Donald Martel avait exigé un remboursement complet des sommes.

Le libéral Gaétan Barrette dénonce cette hypocrisie. « Ça montre que la CAQ est un parti à deux visages. Ça en dit long sur la faiblesse de la fibre morale de la CAQ. Ils devraient être irréprochables, car ils se sont présentés comme ça dans l’opposition, et depuis le premier jour de leur mandat, ils enfreignent le code d’éthique », dénonce-t-il.