(Ottawa) La Chambre des communes demande au gouvernement de suspendre les projets de l’Agence de la santé publique du Canada visant à colliger des données à partir de millions de téléphones cellulaires pour comprendre les habitudes de déplacement des Canadiens pendant la pandémie.

Les députés ont adopté mardi une motion exhortant la Santé publique à suspendre son appel d’offres visant à étendre cette collecte de données sur la localisation des téléphones cellulaires, jusqu’à ce que la Chambre soit convaincue que la vie privée des Canadiens ne sera pas affectée par cette analyse.

Le Comité permanent de l’accès à l’information, de la protection des renseignements personnels et de l’éthique des Communes avait adopté le 31 janvier une motion demandant à la Chambre de suspendre cette collecte de données jusqu’à ce que les problèmes de confidentialité soient résolus.

La motion du comité avait été appuyée par les membres de tous les partis, y compris les libéraux. Par contre, mardi, les députés libéraux en Chambre ont voté contre la motion appuyée par les bloquistes, les conservateurs et les néo-démocrates.

Selon le Bloc, les députés libéraux « virent leur fusil d’épaule et renient leur appui à l’initiative du Bloc qu’ils avaient précédemment appuyée en comité ».

« Il est déplorable que les libéraux aient désavoué le travail des députés de leur propre formation politique sur un enjeu aussi fondamental que la protection de la vie privée. […] En déclinant la suspension de l’appel d’offres, les députés libéraux refusent de prendre au sérieux la cueillette de renseignements personnels », a soutenu dans un communiqué René Villemure, porte-parole du Bloc en matière d’éthique et de protection des renseignements personnels.

La motion demande que l’appel d’offres ne soit pas relancé avant que le Comité ne rapporte à la Chambre qu’il est convaincu que la vie privée des Canadiens ne sera pas affectée.

Le gouvernement agira-t-il ?

Le gouvernement peut ignorer la motion s’il le souhaite et permettre à l’agence de santé publique de poursuivre ses projets, même si la motion a été adoptée par une majorité de députés.

Mais John Brassard, leader conservateur en Chambre, qui siège au comité d’éthique, a exhorté le gouvernement à tenir compte des souhaits des députés. En entrevue, il a estimé qu’il s’agissait d’une « demande raisonnable » d’autoriser le comité d’éthique à enquêter sur les implications pour la vie privée des Canadiens et à suspendre l’appel d’offres jusqu’à ce qu’il ait la possibilité de faire rapport de ses conclusions.

Le commissaire à la protection de la vie privée a témoigné lundi sur le projet devant le comité d’éthique. « Il a proposé d’y regarder de plus près, a déclaré M. Brassard. Il a dit qu’il avait reçu de nombreuses plaintes. »

Pas de renseignements personnels ?

L’agence fédérale de santé publique avait publié le 17 décembre un nouvel appel d’offres pour suivre les données de localisation des tours de téléphonie cellulaire à l’échelle nationale entre le 1er janvier 2019 et le 31 mai 2023.

L’appel d’offres indique que l’accès aux données de localisation des tours de téléphonie cellulaire et des opérateurs doit être « sécurisé, traité et opportun, en plus d’être adéquatement vérifié pour des considérations de sécurité, légales, de confidentialité et de transparence ». Les données devaient également être dépouillées de tout renseignement permettant d’identifier les utilisateurs.

L’Agence de la santé publique du Canada (ASPC) soutient que « ces analyses et résultats permettent de connaître la situation et contribuent à éclairer les politiques, les messages de santé publique, l’évaluation des mesures de santé publique et d’autres aspects liés à la réponse, à la programmation, à la planification et à la préparation en matière de santé publique ».

L’agence n’a pas immédiatement répondu aux demandes pour commenter le dossier, mardi. L’ASPC a déjà indiqué qu’elle avait examiné les implications de la proposition sur la vie privée et consulté ses propres experts en matière de confidentialité.