(Québec) Le gouvernement Legault a déposé un projet de loi pour forcer les ministères et organismes à acheter local. La règle du plus bas soumissionnaire ne sera plus systématique, au profit des entreprises québécoises, qui pourraient empocher 530 millions par année.

« Chaque organisme de l’État québécois devra avoir le souci de donner accès aux marchés publics, aux PME, aux petites et moyennes entreprises en région », a expliqué la présidente du Conseil du trésor, Sonia LeBel en point de presse jeudi. « Ce n’est pas du protectionnisme. Il faut garder une part de nos marchés [accessible aux autres] en respect des accords internationaux », a précisé la ministre.

Mais elle fixe un objectif clair : présentement, les entreprises québécoises accaparent près de 38 % des contrats publics dans le secteur de l’acquisition de biens. La cible est de 50 % et devra être atteinte d’ici quatre ans.

« On veut concentrer nos efforts pour pouvoir augmenter sur le délai de la stratégie, qui va jusqu’en 2026, les achats de plus de 10 points de pourcentage pour se rendre à environ 50 % des marchés publics qui seront consacrés ou dédiés à des fournisseurs québécois, ce qui pourrait représenter à terme un gain de 530 millions par année », a expliqué Mme LeBel.

Jusqu’à 10 % plus cher

Pour y arriver, Mme LeBel utilise plusieurs leviers. Premièrement, tous les contrats de moins de 100 000 dollars qui ne sont pas soumis aux accords de commerce international feront place à une préférence québécoise, quitte à ce que cela coûte plus cher « Naturellement, quelquefois dans certains secteurs, d’acheter québécois peut coûter un peu plus cher pour diverses raisons. Ici, on va se donner une marge préférentielle de 10 % pour calculer, corriger, si on veut, et permettre la compétitivité de nos entreprises sur les appels d’offres », a-t-elle expliqué.

De gros appels d’offres pourront également être scindés, avec un plus petit lot « attribué à des entreprises en région par un lotissement, par allocation régionale ». Le mot d’ordre : les ministères et organismes devront désormais « priorisez sous les seuils l’achat québécois et si vous êtes incapables de le faire, vous devez le justifier ».

Québec utilisera deux autres concepts pour s’éloigner de la bonne vieille règle du plus bas soumissionnaire. Le premier est de favoriser l’innovation. Le gouvernement Legault veut donc créer un « parcours de l’innovation » pour aider et accompagner les entreprises qui développent des produits innovants à avoir accès aux marchés publics « une première fois ».

Puis Québec souhaite encourager les produits « verts », qui ont une plus grande durabilité ou qui sont fabriqués avec un souci de respecter l’environnement. Des outils « qui vont faciliter les acquisitions responsables, écoresponsables à valeur ajoutée seront créé », a dit Mme LeBel.

Par exemple, les appels d’offres pourraient prendre une considération « l’ensemble des cycles de vie des produits ». Un bien fabriqué au Québec avec de l’énergie propre pourrait être avantagé par rapport à un autre produit conçu avec de l’électricité provenant du charbon, par exemple « En matière d’électrification et de lutte contre les changements climatiques, l’État québécois deviendra ainsi une vitrine à l’utilisation de ces produits et services locaux, ce qui servira du même coup de levier pour le développement des entreprises qui les offrent », explique-t-on dans la stratégie.

La règle du plus bas soumissionnaire sera toujours en vigueur pour l’achat de certains bien produit en masse, par exemple, des crayons, a expliqué Mme LeBel. Mais ce ne sera plus du mur-à-mur. « Notre objectif est de faire en sorte qu’elle ne soit plus utilisée systématiquement », a-t-elle indiqué.

Fini le copier-coller des appels d’offres

Le projet de loi est très bien reçu par le milieu économique. « Ça fait vraiment partie des demandes qu’on fait depuis longtemps », s’est réjoui le président du Conseil du patronat, Karl Blackburn en entrevue avec La Presse. Il croit que les États-Unis ne percevront pas cette stratégie comme étant une forme de protectionnisme. « On ne ferme pas les frontières », dit-il. Il est très heureux des critères environnementaux, favorable aux entreprises du Québec. « Par exemple, les serres Toundra à Saint-Félicien pourraient être très avantageusement compétitives en comparaison avec des produits importés du Mexique », souligne-t-il.

Même son de cloche chez Manufacturiers et Exportateurs du Québec (MEQ), qui attend toutefois de voir si les ministères et organismes vont véritablement « embarquer dans le train ». « Le temps du copier-coller dans les appels d’offres et l’application systématique de la règle du plus bas soumissionnaire se doivent d’être terminés », a indiqué sa présidente-directrice générale, Véronique Proulx.

En savoir plus
  • 400 millions par année
    Réduction nette des importations grâce à la stratégie gouvernementale
    Cabinet de la présidente du Conseil du trésor