(Ottawa) Le service canadien d’espionnage électronique prévient que des pirates basés en Russie ciblent des infrastructures essentielles, alors que la ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, avertit que Moscou fera face à des sanctions sévères si Vladimir Poutine prend de nouvelles mesures contre l’Ukraine.

Le Centre canadien pour la cybersécurité, une division du Centre de la sécurité des télécommunications, soutient qu’il est au courant que « des activités étrangères de cybermenace, notamment menées par des auteurs parrainés par la Russie, ciblent les opérateurs des réseaux des infrastructures essentielles du Canada ainsi que leur technologie opérationnelle et leur technologie de l’information ».

Le Centre recommande aux opérateurs de réseaux d’infrastructures essentielles une vigilance accrue et des mesures de cybersécurité plus strictes. Il leur suggère également d’être prêts à isoler des composants de leurs systèmes.

L’avertissement est lancé alors que la ministre Joly terminait jeudi à Bruxelles une tournée de trois pays d’Europe, après des escales en Ukraine et en France. La Russie a positionné environ 100 000 soldats aux frontières de l’Ukraine, ainsi que des chars et d’autres pièces d’artillerie lourde, attisant les craintes d’une possible invasion — ce que nie Moscou.

La ministre Joly et son homologue de l’Union européenne (UE), Josep Borrell, ont projeté une image chaleureuse de la solidarité transatlantique lors d’une conférence de presse, jeudi. Mme Joly a déclaré que le Canada se joindrait à ses alliés pour imposer des sanctions sévères aux autorités russes si Moscou entreprenait d’autres actions militaires pour compromettre la souveraineté ukrainienne.

« Le processus diplomatique récemment amorcé offre à la Russie deux options : elle peut choisir un dialogue significatif ou […] des conséquences graves », a déclaré Mme Joly. « Nous apprécions bien sûr la collaboration de l’UE sur de nombreuses mesures de dissuasion, y compris économiques. Le Canada sera prêt à prendre des mesures supplémentaires, notamment en ce qui concerne le secteur financier. »

Pas de nouvelles sanctions

Mais il n’y a pas eu d’annonce de sanctions supplémentaires du Canada, jeudi. À Washington, la Maison-Blanche a imposé jeudi de nouvelles sanctions à quatre Ukrainiens prorusses, dont deux députés en exercice qui participeraient à des campagnes de désinformation menées par des services de sécurité russes.

Mme Joly a simplement déclaré que le premier ministre Justin Trudeau envisageait « une gamme d’options » basées sur les informations qu’elle recueille cette semaine en Europe.

Des Canadiens d’origine ukrainienne ont exprimé leur frustration que Mme Joly se soit rendue en Europe sans rien de concret à offrir à l’Ukraine. Kiev avait notamment espéré davantage de sanctions, un engagement à aider l’armée ukrainienne à s’armer et un prolongement de la mission canadienne d’entraînement des forces ukrainiennes au-delà de sa date d’expiration du 31 mars.

Ihor Michalchyshyn, directeur du Congrès ukrainien canadien, a déclaré que le temps était venu pour le Canada de fournir une aide concrète à la hauteur de sa rhétorique, citant la décision de la Grande-Bretagne de fournir des armes antichars à l’Ukraine, et d’autres contributions de certains membres de l’OTAN.

Les propos ambigus de Biden

Mme Joly et M. Borrell ont été pressés jeudi de commenter la remarque du président américain, Joe Biden, qui affirmait mercredi qu’une « incursion mineure » de la Russie entraînerait une réponse moindre. M. Biden a tenté plus tard de clarifier ses propos, affirmant qu’il faisait référence à une action non militaire telle qu’une cyberattaque.

M. Biden a offert une clarification apparente, jeudi : « J’ai été absolument clair avec le président (Vladimir) Poutine. Il n’y a aucun malentendu : dès qu’une unité russe traverse la frontière ukrainienne, c’est une invasion », qui serait suivie d’une « réponse économique grave et coordonnée » pour laquelle « la Russie paiera un lourd tribut ».

M. Borrell a estimé que la formulation originale de M. Biden n’avait « rien de neuf » et il a déclaré que les alliés réagiraient d’une manière qui « coûterait cher à la Russie ».

« S’il y a une quelconque agression contre l’Ukraine […] l’avertissement du président Biden va exactement dans la même direction que celle dans laquelle nous avons travaillé », a dit M. Borrell. « Une menace est une menace. »

En répondant à la question, Mme Joly a fait référence à l’annexion de la Crimée par la Russie en 2014 et à sa fomentation des forces séparatistes russes dans l’est de l’Ukraine. « Permettez-moi d’être claire : d’abord, la Russie est déjà en Ukraine. Nous parlons d’une menace réelle d’une nouvelle invasion de l’Ukraine. Donc, en ce sens, comme mon collègue vient de le mentionner, une menace est une menace. »

Le voyage officiel de Mme Joly se déroule alors que d’autres réunions de haut niveau ont lieu à travers l’Europe cette semaine. Le secrétaire d’État américain, Antony Blinken, était à Berlin jeudi pour des réunions avec des responsables allemands, français et britanniques. Ce « groupe quadrilatéral transatlantique » joue un rôle de premier plan dans le désamorçage de la crise.