(Ottawa) La ministre des Affaires étrangères Mélanie Joly affirme que le Canada n’a pas encore décidé s’il allait fournir des armes à l’Ukraine, même si son allié de l’OTAN, le Royaume-Uni, a confirmé lundi qu’il procurerait des armes antichars aux forces ukrainiennes.

Mélanie Joly conclut mardi sa visite de deux jours en sol ukrainien, la première étape d’une tournée de trois États européens qui doit l’amener en France et au siège de l’Union européenne à Bruxelles, où elle doit aussi rencontrer des partenaires de l’OTAN.

Ses discussions avec les alliés militaires du Canada se déroulent en pleine crise alors que l’on craint sérieusement une invasion de l’Ukraine par la Russie.

Lors d’une conférence de presse conjointe avec son homologue ukrainien Dmytro Kuleba, la ministre Joly lui a dit avoir bien entendu sa demande de soutien militaire et qu’elle prendrait une décision en temps opportun.

Elle a déclaré en anglais que le Canada considère important de jouer son rôle et qu’il évalue ses options. L’objectif, a-t-elle souligné, est de contribuer à renforcer les capacités de défense de l’Ukraine face à la menace russe.

Dans un message publié sur Twitter, on peut voir une photo de la ministre agenouillée devant un monument commémoratif. « Près de 4500 soldats ukrainiens ont perdu la vie dans la guerre contre la Russie sur le front de l’Est, peut-on lire. La visite du Mur du Souvenir à Kiev nous rappelle pourquoi nous devons continuer à soutenir l’Ukraine, son peuple et sa souveraineté. »

La diaspora ukrainienne au Canada représente un poids électoral non négligeable avec 1,4 million de personnes. Cette communauté a demandé à Ottawa de fournir rapidement des armes à l’Ukraine pour l’aider à se défendre.

« C’est très important que la ministre Joly se déplace à Kiev pour entendre directement les Ukrainiens parler du besoin urgent d’obtenir des armes pour leur défense », a commenté mardi le directeur général du Congrès ukrainien canadien », Ihor Michalchyshyn.

« Le Canada devrait fournir immédiatement des armes de défense à l’Ukraine en guise d’effet dissuasif contre la menace croissante d’une nouvelle invasion russe plutôt que d’attendre de réagir à une éventuelle invasion, si elle survient. Il faut rendre la guerre plus dispendieuse que la paix aux yeux de la Russie », a-t-il développé.

À Ottawa, le premier ministre Justin Trudeau a échangé avec certains de ses principaux ministres, du chef d’état-major de la défense et de hauts fonctionnaires au sujet de la situation en Ukraine.

Selon un compte-rendu de la réunion transmis aux médias, ils ont « condamné l’escalade militaire russe à l’intérieur et autour du pays ainsi que l’annexion et l’occupation illégales de la Crimée ». Toujours selon le compte-rendu, ils ont « souligné la nécessité de voir la Russie désamorcer la situation et respecter ses engagements internationaux » en plus de réitérer « la nécessité de trouver une solution pacifique par le biais du dialogue ».

On peut aussi lire que le premier ministre Justin Trudeau « a insisté sur le fait que toute autre incursion militaire en Ukraine entraînerait de lourdes conséquences, notamment des sanctions coordonnées ».

Le chef du NDP Jagmeet Singh a déclaré mardi qu’il n’était pas en faveur d’armer les troupes ukrainiennes, estimant que des sanctions économiques ciblées représentaient une meilleure option.

« Je suis inquiet à l’idée de prendre la voie de l’armement et de la présence militaire. Je ne veux pas voir escalader une situation qui est déjà assez tendue », a justifié M. Singh.

La Russie a stationné environ 100 000 soldats le long de la frontière est de l’Ukraine, en plus d’y positionner des chars d’assaut et d’autres pièces d’artillerie lourde. Le régime de Vladimir Poutine continue toutefois de nier toute intention d’envahir l’Ukraine.

Les Russes ont demandé d’obtenir la garantie de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord que l’Ukraine ne serait jamais admise au sein de l’alliance militaire occidentale qui rassemble 30 États. Cette demande a été fermement rejetée par le Canada, les États-Unis et leurs alliés.

Mélanie Joly a qualifié d’« inacceptable » le positionnement militaire russe à la frontière. La Russie se place en « agresseur », a-t-elle dénoncé en assurant que le Canada se tient debout aux côtés de l’Ukraine.

Elle a fait ces commentaires après avoir visité les troupes canadiennes qui participent à l’Opération UNIFIER vouée à l’entraînement des forces ukrainiennes.

Le gouvernement ukrainien a d’ailleurs prié le Canada de prolonger sa mission de formation au-delà de la date butoir prévue à la fin du mois de mars. Mélanie Joly a semblé confirmer que ce serait le cas.

Joly part, Blinken arrive

Pour la prochaine étape de son voyage, la ministre des Affaires étrangères doit se rendre à Paris et Bruxelles. Elle rencontrera ses homologues de France et de l’Union européenne, Jean-Yves Le Drian et Josep Borrell, en plus du secrétaire général de l’OTAN Jens Stoltenberg.

Mélanie Joly affirme que le Canada veut travailler avec ses alliés sur une solution diplomatique au différend avec la Russie.

Après le départ de Mme Joly, c’est le secrétaire d’État des États-Unis, Antony Blinken, qui doit arriver à Kiev, mercredi, afin de rencontrer le ministre Kuleba et le président Volodymyr Zelensky.

« La dernière semaine a prouvé la force et l’unité diplomatique de l’Europe devant les ultimatums russes », a observé le ministre Kuleba mardi.

« Maintenant la question est : “Que fait-on ensuite ?” Je suis convaincu que la seule manière pour la Russie de prouver qu’elle ne prévoit pas réellement attaquer l’Ukraine, c’est de poursuivre les discussions à l’intérieur des cadres qui existent déjà », a-t-il tranché.