(Ottawa) Le gouvernement Trudeau mine les efforts visant à solidifier la chaîne d’approvisionnement sur le territoire nord-américain en maintenant une politique étrangère ambiguë envers la Chine, estime le chef du Parti conservateur, Erin O’Toole.

Les tergiversations du gouvernement Trudeau quant à la participation du géant chinois des télécommunications Huawei au déploiement de la technologie 5G au pays égratigne grandement la crédibilité du Canada vis-à-vis des États-Unis et d’autres alliés stratégiques, a soutenu M. O’Toole en guise d’exemple.

La chaîne d’approvisionnement mondiale, largement tributaire d’usines situées en Chine, a été fortement perturbée à cause de la pandémie. Des voix se sont élevées pour que l’on rétablisse en Amérique du Nord une chaîne de fabrication de produits jugés essentiels afin de réduire cette dépendance face à des pays étrangers.

Voilà plus de trois ans que le gouvernement Trudeau a promis de statuer sur le rôle que pourrait jouer le géant chinois dans le secteur des télécommunications au pays. Or, les États-Unis ont décrété que Huawei représente une menace à leur sécurité nationale. Ils soupçonnent l’entreprise de servir de paravent au service de renseignement militaire chinois et du Parti communiste à Pékin. Huawei a toujours rejeté ces accusations.

Le Canada est ainsi le seul membre du réseau allié de renseignement des Five Eyes, qui comprend les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Australie et la Nouvelle-Zélande, à ne pas encore avoir frappé Huawei d’un interdit.

Résultat : il existe à Washington une méfiance certaine envers le gouvernement canadien parce qu’il s’est montré incapable de prendre des décisions d’une importance cruciale sur des enjeux stratégiques comme Huawei, a fait valoir le chef conservateur dans une entrevue accordée à La Presse.

Pis encore, le gouvernement canadien a entériné la vente de certaines entreprises canadiennes à des sociétés d’État chinoises qui sont tenues de rendre des comptes au régime communiste au pouvoir à Pékin.

« Il y a une crise dans nos relations avec les États-Unis. Et ce n’était pas juste sous Donald Trump. Nous devons travailler à régler la chaîne d’approvisionnement avec les États-Unis. Nous avons vu une diminution de nos liens économiques avec les États-Unis, et pas seulement sur la question du bois d’œuvre, de la gestion de l’offre ou des automobiles. On a juste à penser à la clause Buy American », a énuméré M. O’Toole.

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Erin O’Toole, chef du Parti conservateur

C’est un désastre maintenant. C’est possible de régler les délais dans la chaîne d’approvisionnement si on travaille en étroite collaboration avec les Américains. Ça doit être une priorité.

Erin O’Toole, chef du Parti conservateur

« Depuis plus de 50 ans, on travaille avec les Américains, particulièrement dans des industries comme l’automobile. Les usines au Québec et en Ontario sont très intégrées avec celles du Michigan ou de la Pennsylvanie. La position du gouvernement Trudeau vis-à-vis de la Chine nous fait mal. Ça passe mal du côté des Américains. Nous sommes maintenant isolés », a ajouté le chef du Parti conservateur.

« On doit faire front commun »

M. O’Toole a indiqué s’être aussi entretenu à ce sujet il y a quatre ans avec des élus américains lors d’une visite à Washington. Déjà, on lui posait beaucoup de questions au sujet de la position du gouvernement canadien envers la Chine.

« Nous sommes des alliés proches des États-Unis. Et on doit faire front commun avec eux concernant la Chine », a-t-il affirmé.

En mars 2020, une délégation américaine est même débarquée à Ottawa afin de discuter de cette épineuse question avec divers ministres et représentants du gouvernement canadien.

En coulisses, on suppute que le gouvernement Trudeau a reporté toute décision au sujet de Huawei afin de ne pas nuire aux efforts visant à obtenir la libération de deux Canadiens, Michael Kovrig et Michael Spavor, détenus de manière arbitraire en Chine pendant près de trois ans.

Les deux hommes ont été relâchés en octobre après la libération de la directrice financière de Huawei, Meng Wanzhou, qui avait été arrêtée par les autorités canadiennes à Vancouver en décembre 2018 à la demande des États-Unis, qui réclamaient son extradition.

En novembre, le ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie, François-Philippe Champagne, a fait savoir que la décision du Canada dans le dossier des fournisseurs du réseau 5G serait annoncée d’ici quelques semaines. On s’attend maintenant à ce que cette décision, qui pourrait provoquer de nouvelles flammèches dans les relations sino-canadiennes, tombe au début de la nouvelle année.

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François-Philippe Champagne, ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie

« La sécurité nationale est la priorité quand on aborde un dossier comme celui-là. On pense souvent aux infrastructures comme étant des ponts et des routes, mais les infrastructures réseau et les réseaux de télécommunications sont réellement la voie du futur », a alors déclaré M. Champagne.

Déjà, l’ambassadeur de Chine au Canada, Cong Peiwu, multiplie les mises en garde au gouvernement Trudeau. Encore récemment, il a fait valoir qu’il serait dans l’intérêt du Canada d’ignorer les avertissements « inventés » par les États-Unis au sujet de Huawei.