(Ottawa) Le Bloc québécois est tombé à bras raccourcis sur Justin Trudeau, mercredi, disant toute son incompréhension face au rapprochement qu’il a fait entre le port de signes religieux couvrant le visage et le port du masque sanitaire – et tout lien avec l’attaque islamophobe survenue à London qui relève de l’« imbécillité », a pesté le chef Yves-François Blanchet.

La formation est montée au créneau pendant la période de questions, consacrant toutes ses interventions à la déclaration du premier ministre, profitant visiblement du fait que ce dernier répond à tous les députés lors des séances du mercredi.

Le dirigeant bloquiste Yves-François Blanchet a donné le coup d’envoi à l’interrogatoire en réclamant des clarifications.

« Lors d’un point de presse, [mardi], le premier ministre a offert des réponses qui, dans le contexte, sont inquiétantes au point de justifier soit des corrections, soit des précisions. Peut-il nous expliquer, parce que, vraiment, cela n’a aucun sens, quel est le lien entre le masque sanitaire et la laïcité de l’État québécois ? », a-t-il lancé.

Son interlocuteur a esquivé cette question, et d’autres semblables par la suite. Il n’a pas voulu se rétracter ou présenter des excuses, comme on le réclamait dans les banquettes bloquistes.

La veille, Justin Trudeau disait que « ça ne [le] surprendrait pas que dans les semaines et les mois à venir, il y ait des réflexions à avoir sur le but et l’importance de la loi 21, en partie parce que ça fait un an qu’on passe beaucoup de temps avec des masques qui couvrent nos visages en obtenant des services de l’État ».

La réflexion s’impose également « parce qu’il y a une réelle inquiétude par rapport à la montée d’intolérance et d’islamophobie », ajoutait le premier ministre en conférence de presse, alors que des journalistes anglophones évoquaient la loi 21 en tentant de lui soutirer des commentaires sur l’attentat qui avait fait dimanche quatre morts à London, en Ontario.

Or, établir un tel lien « entre l’islamophobie, l’intolérance et une loi votée à l’Assemblée nationale du Québec » est une « imbécillité », s’est insurgé Yves-François Blanchet.

Il n’a pas réussi à obtenir d’acte de contrition de la part de Justin Trudeau.

Mais un peu plus tard, lors de la même séance, son député Alexis Brunelle-Duceppe a eu un tout petit peu plus de succès, en plaidant que le premier ministre devait « éviter toute forme d’amalgame », et qu’il était « irresponsable […] de blâmer la loi 21 pour les évènements absolument terribles » de London.

Réponse du premier ministre : « J’encourage fortement les députés du Bloc québécois à écouter la communauté musulmane qui exprime certaines préoccupations par rapport à ce qu’ils sont en train de vivre au Québec. »

« Québec bashing »

En conférence de presse, mercredi matin, le chef bloquiste avait fait la leçon aux journalistes qui lient la loi 21 à l’assassinat de la famille musulmane à London, en Ontario. Devant l’insistance de certains d’entre eux, il a reproché d’utiliser le Québec comme « bouc émissaire » et de se prêter à du « Québec bashing ».

« Il faut vraiment être à la chasse au bouc émissaire solide pour dire qu’un acte terroriste commis à London pourrait avoir parmi ses racines une loi adoptée par l’Assemblée nationale du Québec qui, je vous le rappelle à tous […], ne s’applique pas en Ontario », a-t-il lancé.

Sur l’autre colline, à Québec, tous les partis de l’opposition grinçaient aussi des dents.

Il y a quelque chose qui s’est produit en Ontario qui n’a rien à voir avec la loi 21. Soyons très prudents en essayant de faire des amalgames comme ceux-là.

Dominique Anglade, cheffe du Parti libéral du Québec

La députée solidaire Manon Massé a réitéré que son parti jugeait la loi « discriminatoire ». N’empêche, des amalgames de ce genre sont périlleux : « La loi 21 suscite la peur, peut générer de la peur. Mais ne faites pas de raccourcis comme ça, là », a-t-elle lâché.

Le chef du Parti québécois, Paul St-Pierre Plamondon, a fait écho aux doléances bloquistes.

« Comment est-ce qu’on peut interpréter qu’un geste haineux commis en Ontario où il n’y a pas de loi 21 serait en fait lié à la loi 21 au Québec ? […] Ça vous montre l’étendue de l’obsession d’une partie du Canada anglais par rapport à ce que fait le Québec », a-t-il estimé.

Avec Lina Dib, La Presse Canadienne