(Québec) La pression va s’accentuer sur le gouvernement Legault cet automne pour qu’il affiche clairement ses couleurs en matière de parité pour les femmes dans la sphère politique.

L’opposition libérale entend déposer, dès la rentrée parlementaire de septembre à l’Assemblée nationale, un projet de loi visant à favoriser une plus grande participation des femmes à la vie politique québécoise.

L’objectif sera de forcer la main au gouvernement Legault et aux différents partis politiques pour qu’ils prennent des mesures concrètes, dès l’élection générale d’octobre 2022, afin d’assurer une certaine parité de candidatures féminines.

Il reste à savoir si le gouvernement acceptera ou non de s’approprier ce texte législatif, en l’inscrivant sur la liste des projets de loi à étudier durant la prochaine session. Il s’agira donc d’un test pour le gouvernement, qui n’a toujours pas respecté son engagement à former un cabinet paritaire.

À ce stade-ci du processus, il semble bien que les libéraux privilégieront une approche plus incitative que coercitive, à la faveur d’une loi peu contraignante.

Les partis politiques ne seraient donc pas forcés d’appliquer le principe de parité pure, soit 50 % de candidatures féminines, ni même de se situer dans la zone dite paritaire, avec au moins 40 % de femmes. Ils n’auraient donc pas plus qu’aujourd’hui d’obligation de résultats.

Mais ceux qui feraient le choix de défier l’éventuelle loi s’exposeraient à devoir en assumer les conséquences sur le plan financier. C’est l’approche dite « bonus-malus », c’est-à-dire que le financement public des partis politiques serait proportionnel au respect de la future loi. Les partis qui s’y conformeraient seraient récompensés, en recevant davantage d’argent public de la part du Directeur général des élections (DGEQ), tandis que ceux qui présenteraient trop peu de candidates seraient pénalisés financièrement.

Il faut rappeler que les réformes des dernières années visant à assainir le financement des partis politiques ont abaissé progressivement le plafond des contributions monétaires des électeurs à leur parti préféré, pour augmenter d’autant la part de l’État dans le financement des formations politiques.

Le projet de loi libéral viserait à modifier la loi électorale, en reprenant à son compte certains articles sur la parité contenus dans le projet de loi 39. Déposé en septembre 2019 et piloté par la ministre Sonia LeBel, cette législation prône une ambitieuse réforme du mode de scrutin. En avril, son étude a été mise sur la glace par le gouvernement, qui a jugé qu’il manquait de temps pour la mener à bien avant la fin du mandat.

Selon le projet de loi 39, les partis devaient au moins s’engager à définir et présenter au DGEQ leurs objectifs en matière de représentation plus équitable des femmes dans leur équipe de candidats.

Si tous les partis s’entendent sur l’objectif d’atteindre la parité hommes-femmes à l’Assemblée nationale, les avis divergent sur les moyens choisis pour y parvenir.

À l’heure actuelle, rien n’oblige un parti à faire une place déterminée aux femmes. D’une élection à l’autre, d’un parti à l’autre, la proportion de candidatures féminines varie beaucoup, avec ses avancées et ses reculs, qui se reflètent dans la composition de l’Assemblée nationale.

Par exemple, à l’élection de 2018, le parti au pouvoir, la Coalition avenir Québec (CAQ), affichait fièrement 52 % de candidatures féminines. Mais qui dit que la CAQ réussira à répéter l’exploit en 2022 ?

L’effet yoyo

Le temps est venu d’éliminer cet « effet yoyo » de progrès suivis de reculs, plaide en entrevue téléphonique à La Presse Canadienne, lundi, la députée libérale de Verdun, Isabelle Melançon, qui peaufinera le projet de loi, en collaboration avec son collègue de Lafontaine, Marc Tanguay.

Elle insiste pour faire valoir qu’on ne peut pas laisser une question aussi importante que l’égalité entre les hommes et les femmes évoluer « au bon vouloir des partis » politiques et des décisions arbitraires de leurs dirigeants.

« Il y a urgence d’agir maintenant », selon elle, en inscrivant l’objectif de parité dans la loi électorale, justement pour éviter un éventuel recul de la proportion de femmes candidates et élues lors du scrutin d’octobre 2022.

« Tant et aussi longtemps que ce ne sera pas fait, on va jouer avec des pourcentages, avec des nombres », craint la marraine du projet de loi, qui est la porte-parole de l’opposition officielle dans les dossiers de condition féminine.

L’égalité des sexes « est un droit, ce n’est plus une affaire de parti, c’est une affaire de société, donc il faut que ce soit encadré législativement », selon elle.

Même si les délais sont serrés, l’opposition libérale est persuadée qu’il serait possible d’adopter les changements proposés à temps pour la prochaine campagne électorale.

En 2018, les quatre principaux partis – la CAQ, le Parti libéral du Québec, le Parti québécois et Québec solidaire – ont tous présenté une équipe de candidats composée d’au moins 40 % de femmes.

Cette année-là, tous partis confondus, au total, 47 % des candidatures étaient féminines. Quatre ans plus tôt, elles n’étaient que 30 %.

L’Assemblée nationale compte actuellement 44 % de femmes députées. Dans un passé récent, cette proportion se situait plutôt entre 25 et 30 %.