(Montréal) Québec investit plus de 14 millions sur quatre ans pour favoriser l’accès à la justice pour les Autochtones, signalant vouloir s’adapter à leur réalité plutôt que de les forcer à se conformer au système actuel.

Cette vision a été énoncée par le ministre responsable des Affaires autochtones, Ian Lafrenière, lors d’une conférence de presse tenue lundi matin, alors qu’il était accompagné du ministre de la Justice, Simon Jolin-Barrette, de Ghislain Picard, le chef de l’Assemblée des Premières Nations du Québec-Labrador, et de Tanya Sirois, la directrice générale du Regroupement des centres d’amitié autochtones du Québec (RCAAQ).

« Aujourd’hui, on va avoir un système qui est mieux adapté, qui répond mieux aux besoins des Premières Nations, plutôt que de s’attendre à ce que les Premières Nations s’adaptent au système », a ainsi déclaré M. Lafrenière.

Québec estime qu’il donne ainsi suite à plusieurs recommandations du rapport Viens, rédigé au terme de la Commission d’enquête sur les relations entre les Autochtones et certains services publics.

Lundi, Mme Sirois du RCAAQ a rappelé des constats tirés depuis longtemps. « Plusieurs décennies de statu quo face aux réalités autochtones et l’existence chronique de plusieurs barrières culturelles face aux Premiers Peuples ont eu des effets dévastateurs. Les nombreuses Commissions d’enquête, recherches et études sont catégoriques : taux de judiciarisation élevé, taux de victimisation élevé, droits individuels et collectifs non respectés, sentiment de méfiance très élevé et non-utilisation des services de l’État ou d’organisations non autochtones par crainte d’être étiquetés et jugés. »

Avec ses investissements annoncés lundi matin, Québec dit vouloir valoriser davantage la justice communautaire autochtone et lutter contre la surreprésentation de cette population dans le système de justice.

Selon le chef Ghislain Picard, 25 % des détenus au Canada sont autochtones, alors qu’ils ne constituent que 4 % de la population du pays.

Cet argent servira à offrir des services supplémentaires aux Autochtones directement au sein de leurs communautés, ainsi qu’en milieu urbain, notamment par l’ajout de services de justice « culturellement adaptés » et par l’embauche de « rédacteurs Gladue », qui rédigent les rapports présentenciels en tenant compte de certains facteurs spécifiques aux difficultés vécues par ces populations.

En milieu urbain, Québec compte sur ses alliés que sont les centres d’amitié autochtones qui ont déjà noué des liens avec les communautés qu’elles desservent.

Les Autochtones vivant en communautés ne sont pas en reste. Le gouvernement leur accorde des sommes pour le déploiement des « comités de justice », notamment pour le développement de « processus de résolution de conflits culturellement pertinents ».

« Comme ces initiatives sont développées au sein des communautés (Premières Nations et Inuits), elles contribuent à établir la confiance des Autochtones envers le système de justice », a ainsi commenté le ministre Jolin-Barrette.

Par contre, aucune mention n’a été faite en conférence de presse de l’épineuse question du profilage racial, qui est le début du processus de judiciarisation des Autochtones. Interrogé sur cet aspect, le ministre de la Justice a indiqué qu’il relève principalement du ministère de la Sécurité publique, tout en réitérant que personne ne doit être interpellé davantage en raison de ses origines.

En mars, le gouvernement avait aussi octroyé du financement pour engager plus d’interprètes à la Cour en langues autochtones et afin d’offrir de l’aide aux Autochtones victimes d’actes criminels.

« Nous nous devons d’être une société qui aspire à ce que le système public, plus précisément le système de justice, réserve un traitement équitable et respectueux à tous ses citoyens », conclut Mme Sirois.