(Montréal) Des députés des trois partis d’opposition du Québec ont réclamé jeudi l’indemnisation rétroactive des victimes d’exploitation sexuelle, en point de presse.

La libérale Christine St-Pierre, le solidaire Alexandre Leduc et la péquiste Méganne Perry Melançon, tous trois anciens membres de la Commission spéciale sur l’exploitation sexuelle des mineurs, ont interpellé le premier ministre François Legault et le ministre de la Justice Simon Jolin-Barrette afin qu’ils légifèrent avant la fin de la session parlementaire, à laquelle il ne reste que cinq jours de travaux.

Pour Mme St-Pierre, c’est amplement le temps de « déposer un projet de loi très court » qui pourrait être adopté sur-le-champ, puisque tous les partis d’opposition y sont déjà en faveur et prêts à collaborer.

Des victimes « abandonnées »

Depuis l’adoption du projet de loi 84 de la Coalition avenir Québec (CAQ), le 13 mai dernier, l’aide financière et psychologique offerte par le régime d’indemnisation des victimes d’actes criminels (IVAC) a été élargie à tous les crimes contre la personne, y compris la traite et le proxénétisme. De plus, les victimes de violence conjugale ou d’agression sexuelle ne seront plus confrontées à des limites de temps pour déposer une demande.

Par contre, ces changements ne sont pas rétroactifs, ce qui veut dire qu’ils ne s’appliquent pas si le crime nouvellement ajouté à l’IVAC a été commis avant l’adoption de la loi.

Mme St-Pierre, M. Leduc et Mme Perry Melançon dénoncent publiquement cette « erreur » depuis janvier, alors qu’une victime d’exploitation sexuelle surnommée « Lau Ga » avait traité M. Jolin-Barrette de « sans cœur » durant les audiences publiques sur le projet de loi 84. Le ministre s’était auparavant défendu contre les critiques en disant ne pas pouvoir « refaire le passé ».

Lau Ga fait partie des victimes qui ne pourront pas toucher d’indemnisation. Dans une lettre publiée dans La Presse le 23 mai et citée par Mme St-Pierre durant le point de presse, elle avait affirmé que les personnes dans sa situation « ont été abandonnées » par le gouvernement. « Je suis épuisée, j’ai peur, puisque je ne me sens ni protégée ni aidée », avait-elle ajouté.

Un retard « injustifiable »

Pour le député solidaire Alexandre Leduc, la réforme de l’IVAC « aurait dû être déposée bien avant », alors que le gouvernement caquiste est au pouvoir depuis trois ans et que la Commission spéciale sur l’exploitation sexuelle des mineurs avait publié son rapport il y a déjà six mois. « Ce n’est pas aux victimes de payer le prix » pour « la lenteur injustifiable » du gouvernement, a-t-il plaidé. Il a rappelé que Lau Ga demandait une rétroaction qui ne remonterait que jusqu’en octobre 2018, soit à l’élection de la CAQ.

La députée péquiste Méganne Perry Melançon a ajouté que, selon elle, l’État doit offrir un accompagnement « ambitieux », à la hauteur des besoins des victimes, pour leur permettre « de reprendre le contrôle de leur vie, notamment celles qui, aujourd’hui encore, subissent les effets des années marquées par la violence et les abus physiques, psychologiques et sexuels et pour qui l’étape de reconstruction peut prendre de nombreuses années ».

Cet article a été produit avec l’aide financière des Bourses Facebook et La Presse Canadienne pour les nouvelles.