(Ottawa) Le ministre fédéral de la Justice, David Lametti, se dit prêt à envisager différentes voies judiciaires en ce qui concerne les pensionnats pour Autochtones, en particulier la possibilité de protéger des cimetières clandestins et de criminaliser quiconque tenterait de les endommager ou de dissimuler des preuves.

Dans une entrevue à La Presse Canadienne, le ministre Lametti a déclaré qu’il avait reçu une demande afin d’examiner quels leviers juridiques pourraient exister pour garantir la protection de ces sites d’inhumation anonyme. Mais il précise que tous les ordres de gouvernement veulent d’abord connaître les avis des communautés et des dirigeants autochtones sur ce qu’on devrait faire avec les pensionnats, les terrains et les lieux de sépulture.

Pour ceux qui recherchent un certain niveau de responsabilité juridique, le ministre de la Justice se dit prêt à examiner l’idée de protéger pour l’avenir ces sites, comme « sites sacrés », et de criminaliser le comportement de ceux qui pourraient les profaner. Par exemple : un promoteur qui déterrerait quelque chose sur un site où des personnes auraient pu être enterrées et qui essaierait de cacher cette découverte.

« Je suis prêt à l’examiner. Cela relèverait certainement du ministre de la Justice et du droit criminel, et je suis certainement ouvert à cela », a-t-il déclaré.

La première nation Tk’emlups te Secwepemc a révélé la semaine dernière qu’un radar pénétrant avait localisé ce que l’on croit être les restes de 215 enfants inhumés anonymement près d’un ancien pensionnat fédéral pour Autochtones à Kamloops, en Colombie-Britannique. Cette sinistre découverte a suscité l’indignation et la douleur à l’échelle nationale ; elle a conduit à des appels croissants pour que le Canada exige des comptes — à un individu ou à une autorité.

Des faits plus récents

Même au sein du caucus libéral à Ottawa, les appels à l’action transcendent les lignes partisanes habituelles. Le député libéral Rob Oliphant, secrétaire parlementaire des Affaires étrangères, a exprimé son « indignation » sur Twitter, mardi. Il soutenait que « les auteurs de ce crime contre l’humanité doivent être traduits en justice ».

Mais le ministre Lametti estime qu’il serait difficile de remonter dans le temps et de criminaliser des comportements ou des gestes entrepris il y a 150 ans — même s’il a semblé ouvert à examiner ce qui pourrait être fait. « Je me rends compte que certains (de ces gestes) sont beaucoup plus récents, et dans la mesure où les gens sont encore en vie, c’est toujours une possibilité » de les poursuivre, a déclaré le ministre.

« Y a-t-il un rôle que nous pouvons jouer en termes de collecte de preuves ? Peut-être. Notre service des poursuites pénales et nos corps policiers s’améliorent, ils ont beaucoup de travail à faire, mais ils comprennent mieux les défis liés à l’examen de ces types de crimes qui ont été commis contre les Autochtones dans le passé. »

Ottawa a aussi promis l’aide fédérale afin de rechercher d’autres inhumations non identifiées sur des terrains d’anciens pensionnats. « Nous veillerons à ce que (les communautés) aient accès à toute l’expertise dont elles ont besoin, mais il est très clair qu’elles ne veulent pas d’une approche paternaliste », du haut vers le bas, a déclaré la ministre des Relations Couronne-Autochtones, Carolyn Bennett.

Elle a indiqué mercredi que l’enveloppe de 27 millions prévue dans le budget de 2019 serait désormais mise à disposition d’urgence pour rechercher d’autres sites d’inhumation anonyme près d’anciens pensionnats dans tout le pays.

Quant à savoir pourquoi cet argent n’avait pas été mis à la disposition des communautés plus tôt pour ces initiatives, Mme Bennett a soutenu qu’il fallait d’abord expliquer au Conseil du Trésor exactement comment l’argent serait distribué. « Cette approbation est maintenant donnée et nous sommes en mesure de la distribuer d’urgence. »