(Québec) En avez-vous assez de la crise sanitaire ? Les militants de Québec solidaire aussi, mais ils nous préviennent : « la prochaine grande crise », celle-là climatique, pourrait être pire. Ce message sera martelé au cours de la prochaine année, alors que le compte à rebours vers la campagne électorale de 2022 s’entame tranquillement.

Avec la campagne vaccinale qui avance rondement, plusieurs partis politiques préparent ce printemps leur feuille de route pour la rentrée parlementaire de septembre : celle de l’année préélectorale. Dans les circonscriptions, les militants travaillent déjà sur les plateformes et les engagements qui mèneront au retour aux urnes.

Après le Parti québécois en avril, Québec solidaire adoptera la fin de semaine prochaine en Conseil national les grands axes qui guideront sa Commission politique dans l’écriture des principaux engagements de 2022. Dans un document transmis aux délégués, la Commission propose 20 thèmes prioritaires, comme créer un Québec féministe, humaniser le travail, combattre le racisme systémique, mais aussi (et surtout) lutter contre la crise climatique.

« La dernière année a été difficile. C’est une année de détresse qui a montré les inégalités et le manque de résilience de certains de nos secteurs économiques. Ce qu’on propose, c’est de construire à partir de là. Nos propositions sont des [idées] de transition. On peut même dire des propositions de transformation qui vont nous permettre d’absorber les [prochains] chocs dans le futur », explique Alejandra Zaga Mendez, responsable de la coordination de la Commission politique du parti.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

Alejandra Zaga Mendez, responsable de la coordination de la Commission politique de Québec solidaire

La « véritable opposition » se prépare

À partir des thèmes qui seront adoptés samedi et dimanche prochain en Conseil national, la Commission politique de QS rédigera cet été des propositions d’engagements électoraux. Ces engagements seront adoptés en novembre prochain, en Congrès. Mais pour orienter les débats, le parti énumère des « exemples d’engagements électoraux que le Congrès [de l’automne] pourrait placer dans la plateforme », en réponse à ces axes.

Exemples d’engagements électoraux

• Mettre fin au gaspillage polluant

• Concurrencer les multinationales en favorisant les entreprises d’ici

• Imposer les grandes fortunes

• Instaurer un principe de salaire maximum pour forcer les patrons à augmenter les salaires des travailleurs

• [Créer une] assurance dentaire publique

• Mettre en place un revenu minimum garanti [et] réduire le temps de travail

• Faire du réseau internet un service public en instaurant Réseau-Québec

Le co-porte-parole de Québec solidaire et leader parlementaire du parti à l’Assemblée nationale, Gabriel Nadeau-Dubois, espère que le travail qui s’entame et culminera à l’automne avec une nouvelle plateforme fera « la différence » auprès de l’électorat.

Tous les sondages montrent que la question de l’environnement n’a jamais été aussi importante pour les Québécois de toutes les générations et de toutes les régions.

Gabriel Nadeau-Dubois, co-porte-parole de Québec solidaire

Le parti, qui avait promis après l’élection de 2018 d’être la « véritable opposition officielle » face au gouvernement de la Coalition avenir Québec, bombe à nouveau le torse pour affronter François Legault. Selon un sondage Léger publié vendredi par les médias de Québecor, la CAQ caracole toujours en tête avec 46 % des intentions de vote, devant le Parti libéral (20 %) et Québec solidaire (14 %), devant le Parti québécois.

« On fait le pari que la transition écologique est un projet de société qui peut rejoindre tout le monde, pas seulement les électeurs traditionnels de Québec solidaire », souhaite M. Nadeau-Dubois.

Sur quel ton débattre ?

Alors que Québec prépare son plan de déconfinement, les partis politiques déconfinent aussi plus que jamais leurs critiques contre le gouvernement. Dans cette joute qui s’intensifie, la frontière entre les attaques de bonne guerre et celles au ton personnel est parfois mince.

Récemment, la co-porte-parole solidaire Manon Massé a fait retirer un message de son compte Twitter, qu’elle affirme ne pas avoir approuvé, où il était écrit : « M. Legault, la pandémie, ce n’est pas une raison pour laisser mourir les femmes ». Le tweet avait été publié alors que les députés débattaient des moyens de contrer la violence conjugale. Sur un autre sujet, Mme Massé a aussi écrit sur Twitter que le premier ministre « crache sur les réfugiés », cette fois-ci dans le débat suscité par des propos sur l’immigration économique.

Questionné à savoir si ce ton est celui qu’entend utiliser Québec solidaire dans les prochains mois, Gabriel Nadeau-Dubois répond que l’année préélectorale sera celle d’une « opposition efficace […] qui sait trouver l’équilibre entre la critique parfois dure et les propositions ».

Débat sur un Collectif « toxique »

En matière de débats houleux, les délégués solidaires réunis en Conseil national la fin de semaine prochaine devront aussi trancher l’épineuse question du Collectif antiraciste et décolonial (CAD), que des membres du parti accusent de créer une ambiance militante « toxique ». Une motion sera débattue afin de blâmer le collectif « pour avoir enfreint les valeurs fondamentales » de QS.

Je suis habitué à des organisations politiques où il y a des remous à l’interne. Je l’ai connu très tôt dans ma vie. Un parti de débats, même un parti de débats qui brassent, ça ne me dérange pas. […] Ce qui me dérange, c’est le dénigrement, c’est la disqualification de personnes qui ne sont pas dans la bonne gang.

Gabriel Nadeau-Dubois, co-porte-parole de Québec solidaire

« L’invitation qu’on lance à nos militants et à nos membres, c’est de tracer la ligne entre le débat sain et le manque de respect pour les opinions différentes au sein d’un parti », ajoute-t-il.

En date de vendredi, des militants faisaient circuler en ligne une lettre « contre le blâme et pour la médiation », dans laquelle il était écrit que « nous, personnes noires, racisées, autochtones, leurs allié-e-s, voulons encourager les parties vivant des différends de prendre les moyens proposés pour entrer dans une logique de médiation plutôt que celle du blâme ».

Des élus peuvent-ils appuyer des candidats aux investitures ?

Les délégués solidaires devront trancher au Conseil national si les membres qui occupent des postes élus au sein du parti (ce qui comprend les co-porte-parole) peuvent soutenir des candidats qui se présentent aux investitures pour être désignés candidats solidaires aux élections. Le secrétaire général du parti, Nicolas Chatel-Launey, admet qu’il y a eu « des tensions » lors de la dernière élection partielle dans la circonscription de Jean-Talon, à Québec. Manon Massé avait à l’époque appuyé un des candidats, ce qui avait été dénoncé par ses adversaires. Les délégués solidaires voteront aussi la fin de semaine prochaine pour l’établissement d’une « politique nationale d’investiture » afin d’uniformiser les règles à l’ensemble des associations.