(Québec) L’avenir d’un référendum sur le projet de réforme du mode de scrutin est compromis. Le gouvernement Legault ne s’engage pas à rappeler dans les prochaines semaines le projet de loi en commission parlementaire pour l’adopter avant l’été, une condition imposée par le Directeur général des élections du Québec (DGEQ) afin d’organiser une consultation sur la question en même temps que les prochaines élections.

Selon une source gouvernementale qui est impliquée dans le dossier, mais qui n’a pas l’autorisation d’en parler publiquement, Québec considère qu’il serait « quasi impossible » d’adopter le volumineux projet de loi 39, déposé en septembre 2019, d’ici la pause estivale.

De plus, le DGEQ a affirmé à La Presse que les parlementaires devaient également modifier le projet de loi s’ils souhaitaient qu’un référendum se tienne lors des élections d’octobre 2022.

Afin qu’un référendum ait lieu lors des prochaines élections générales provinciales, le projet de loi, dans sa forme actuelle, aurait dû être adopté au plus tard le 1er février 2021.

Le Directeur général des élections du Québec

« Le processus prévu au projet de loi pour la désignation des camps référendaires influence de façon importante les délais requis, puisqu’il pourrait s’échelonner sur plus d’un an. Ainsi, une révision du mode de désignation des camps référendaires doit être faite pour qu’il soit maintenant possible de tenir un référendum à l’occasion des élections de 2022 », a-t-on affirmé.

Une manifestation à Québec

Exaspérés de la situation, des représentants du Mouvement pour une démocratie nouvelle (MDN) et de la Coalition pour la réforme électorale maintenant ! manifesteront mercredi devant l’hôtel du Parlement pour exiger du premier ministre Legault qu’il rappelle le projet de loi en commission parlementaire.

« L’Assemblée nationale a voté à l’unanimité une motion demandant que le gouvernement appelle le projet de loi en étude détaillée. [Depuis], rien ne se fait. Le leader du gouvernement [Simon Jolin-Barrette] ne donne aucun signe de vie », a déploré le président du MDN, l’ancien député Jean-Pierre Charbonneau.

« C’est comme s’il y avait un mépris du Parlement. Ça veut dire quoi, sinon, une motion adoptée à l’unanimité ? Le gouvernement a l’obligation morale de faire ce qu’il a dit qu’il ferait », a-t-il ajouté en référence à la motion qu’a déposée Sol Zanetti, de Québec solidaire, il y a quelques semaines.

PHOTO ERICK LABBÉ, ARCHIVES LE SOLEIL

Sol Zanetti, député de Québec solidaire

Ce dernier déplore à son tour qu’il soit maintenant « très tard pour commencer l’étude détaillée ».

Il faut vraiment que ça soit imminent, sinon, on va l’interpréter comme quoi le gouvernement ne tient pas sa parole.

Sol Zanetti, député de Québec solidaire

« Le premier ministre a indiqué qu’il va respecter tous ses engagements. Là, il a un test. Déjà que sur l’engagement de changer le mode de scrutin pour la prochaine élection, c’était rompu », rappelle pour sa part le chef parlementaire du Parti québécois, Pascal Bérubé.

Une longue saga

Le cabinet de la présidente du Conseil du trésor et la ministre responsable de la Réforme électorale, Sonia LeBel, affirme que la réforme du mode de scrutin « est une priorité », sans donner d’indice sur le moment où le projet de loi serait appelé en commission parlementaire. Le cabinet du leader du gouvernement, Simon Jolin-Barrette, affirme à son tour que « tous les projets de loi inscrits au feuilleton seront appelés », ce qui signifie d’ici les prochaines élections.

Le projet de loi 39 de la ministre LeBel est la réponse du gouvernement de la Coalition avenir Québec (CAQ) à un engagement signé en mai 2018 entre Québec solidaire, le Parti québécois et la CAQ pour une réforme électorale. Les caquistes s’étaient alors engagés à ce que la réforme soit en vigueur dans un premier mandat.

Pour expliquer sa promesse rompue, François Legault a affirmé en septembre 2019 que « c’est plus complexe que ce qu’on pensait, et [que] c’est pour ça qu’on dit qu’il doit y avoir l’approbation de la population ».

Le projet de réforme prévoit proposer aux Québécois, par voie référendaire, de changer le mode de scrutin actuel, majoritaire uninominal à un tour, pour un système proportionnel mixte compensatoire avec listes régionales. Si une telle réforme était approuvée par la population, le Québec aurait toujours 125 députés à l’Assemblée nationale, comprenant essentiellement 80 sièges de circonscription et 45 sièges répartis en fonction du nombre de votes reçus par tous les partis.