(Ottawa) Il a applaudi le gouvernement Trudeau, discuté de sa vision de l’avenir du Canada et juré d’aider les libéraux dans leurs efforts pour bâtir un avenir meilleur. Mark Carney a fait tout ça, dans les deux langues officielles, mais il n’a pas dit s’il comptait ou non se lancer en politique.

Il y avait manifestement un éléphant dans la pièce (virtuelle) au congrès national du Parti libéral du Canada (PLC), vendredi. La présence de l’ancien gouverneur de la Banque du Canada Mark Carney à l’évènement en a fait jaser plus d’un, y compris chez les néo-démocrates et les conservateurs.

Et il n’a pas disparu.

Le principal intéressé n’a pas été interrogé sur ses intentions au cours de l’échange de 40 minutes qu’il a eu avec l’élue libérale Marci Ien, bien que celle-ci, ancienne journaliste de la télévision, ait affirmé la veille à La Presse Canadienne qu’elle avait l’intention de tâter le pouls de Mark Carney à ce sujet.

Cela dit, le spécialiste des finances publiques a consacré plusieurs minutes de son allocution d’ouverture à saluer le gouvernement libéral pour son leadership en matière de lutte contre les changements climatiques, car avant leur accession au pouvoir, le Canada n’« allait nulle part », a-t-il déclaré.

Maintenant, nous voici avec un engagement législatif pour atteindre la carboneutralité, et nous sommes le premier pays du G20 à s’être doté d’une tarification sur le carbone assez solide pour faire une différence.

Mark Carney, ancien gouverneur de la Banque du Canada

Et c’est la raison pour laquelle « je ferai tout ce qu’il faut pour soutenir le Parti libéral dans nos efforts pour bâtir un meilleur avenir pour les Canadiens », a-t-il affirmé. Il n’a pas manqué l’occasion de se lancer des fleurs pour le travail accompli lors de la crise financière de 2008.

« Là où beaucoup de pays ont échoué, le Canada s’est tenu debout. »

Si la participation de Mark Carney à la grand-messe libérale bisannuelle a tant retenu l’attention, c’est que d’aucuns voient en lui l’un des successeurs potentiels à la direction du parti.

En plus d’avoir dirigé la Banque du Canada, il a occupé le poste de gouverneur de la Banque d’Angleterre et a été l’envoyé spécial des Nations unies pour le financement de l’action climatique. Il vient aussi de faire paraître un livre intitulé Value(s) — Building a Better World for All.

Les journalistes n’ont pas eu accès à Mark Carney, vendredi.

Quelques heures plus tôt, Justin Trudeau refusait de dire s’il espérait le voir dans son équipe de candidats.

« C’est une longue tradition au Parti libéral du Canada d’accueillir des conférenciers qui ont une variété de sphères d’expertise dans les congrès, et nous sommes très heureux d’avoir quelqu’un de la trempe de Mark Carney », a-t-il affirmé en conférence de presse.

L’opposition raille Carney

Le Nouveau Parti démocratique (NPD), lui aussi réuni en congrès ce week-end, et le Parti conservateur ont ressenti le besoin de publier des communiqués, tous deux sarcastiques, dans l’objectif apparent de discréditer Mark Carney.

Il va « faire la morale aux Canadiens sur la nécessité d’augmenter les prix de l’énergie » et « promouvoir de nouvelles expérimentations économiques au goût du jour, populaires auprès des milliardaires de Davos », a persiflé le député conservateur Pierre Poilievre.

Maintenant que Mark Carney est de retour au Canada, lui et Justin Trudeau prévoient promouvoir des idées économiques risquées qui augmenteront les dettes des cartes de crédit et les impôts. Par contraste, les conservateurs d’Erin O’Toole offrent plus de chèques de paie, plus élevés.

Pierre Poilievre, député conservateur

Dans le camp néo-démocrate, on a souhaité au spécialiste des finances publiques la « bienvenue sous le grand chapiteau rouge » en affirmant qu’« alors que les libéraux continuent de courtiser les ultra-riches et l’élite, les néo-démocrates continueront de se battre pour les travailleur.ses ».

Joly coprésidente de la campagne

Au jour 2 de ce congrès virtuel, le PLC a par ailleurs annoncé qu’il confiait les rênes de l’organisation de la prochaine campagne électorale, quand elle sera mise en branle, à la ministre québécoise Mélanie Joly et au député ontarien Navdeep Bains.

Pour Mme Joly, qui a travaillé à titre d’organisatrice pour la campagne à la direction de Justin Trudeau et fondé de toutes pièces un parti politique afin de briguer la mairie de Montréal, c’est un retour aux sources, en quelque sorte.

PHOTO ALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA PRESSE

Mélanie Joly, ministre du Développement économique et des Langues officielles

Ç’a toujours été un intérêt, même une priorité, pour moi, l’organisation politique. J’ai commencé ma carrière politique active comme ça, en lançant un parti à Montréal […] et je sais que pour gagner une élection, il faut être organisé. C’est la base.

Mélanie Joly, ministre du Développement économique et des Langues officielles

L’une de ses « obsessions » sera de convaincre plus de femmes de tenter leur chance — refaçonner la représentativité au sein de la députation s’avère crucial dans le contexte où la pandémie a frappé plus durement les femmes, plaide la ministre en entrevue avec La Presse.

« Les femmes doivent avoir une voix forte aux prochaines élections. C’est certainement quelque chose sur quoi je vais travailler, parce que je sais que ça prend plus de temps et plus d’arguments pour convaincre une femme de se lancer en politique », dit Mme Joly.

Elle coprésidera la campagne électorale avec Navdeep Bains, ancien ministre de l’Innovation, qui a choisi de ne pas solliciter de nouveau mandat. Ils sont tous les deux réputés pour leurs talents d’organisateur et leur capacité à recueillir des fonds.

« Le leadership de Mélanie Joly et de Navdeep Bains permettra de mettre sur pied une campagne efficace et novatrice, centrée sur notre plan positif », a fait valoir Justin Trudeau dans un communiqué où l’on précise que les coprésidents se mettront au boulot « peu importe quand [l’élection] sera déclenchée ».