(Ottawa) La ministre fédérale des Services publics et de l’Approvisionnement, Anita Anand, dit chercher un terrain d’entente avec les sociétés pharmaceutiques dans le but de divulguer le détail des contrats d’achat de vaccins contre la COVID-19. Sans leur accord, elle refuse de s’engager à les rendre publics, même une fois l’opération de vaccination terminée.

La pression sur les épaules de la grande responsable de l’acquisition des doses de vaccins a semblé s’alléger au fur et à mesure que grossissaient les livraisons en route vers le Canada – on a atteint un sommet la semaine dernière, avec 3,2 millions de doses. N’empêche, dans l’opposition, on trouve les libéraux bien avares d’informations.

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Anita Anand, ministre fédérale des Services publics et de l’Approvisionnement

Combien Ottawa a-t-il dépensé jusqu’à présent pour s’approvisionner ? Combien paie-t-on par dose du vaccin de Pfizer-BioNTech ? Pour ceux de Moderna et d’AstraZeneca ? Et celui de Johnson & Johnson, pour lequel une seule dose est requise ? Le silence radio du gouvernement Trudeau sur ces éléments exaspère les élus des autres formations, qui réclament à cor et à cri la publication des ententes contractuelles.

À cette requête maintes fois formulée, Anita Anand a répondu ceci lors d’une entrevue éditoriale avec La Presse, jeudi passé : « Nous travaillons en ce moment même avec les [sociétés] pour essayer de fournir davantage d’informations sur les arrangements contractuels. » Puis, ceci : « Mais je ne dévoilerai pas cette information sans m’assurer [qu’elles] sont d’accord. »

Car « si nous le faisions, nous mettrions en péril notre approvisionnement », et c’est la « dernière chose que je veux faire, compromettre les livraisons de vaccins, alors qu’on est au beau milieu d’une crise de santé publique », plaide cette novice en politique qui a été élue pour la première fois au scrutin d’octobre 2019, dans la circonscription ontarienne d’Oakville.

Et une fois que les contrats auront été honorés ?

Tant et aussi longtemps que je serai ministre, je ferai tout en mon pouvoir pour respecter mes obligations légales […]. C’est extrêmement important pour moi.

Anita Anand, ministre fédérale des Services publics et de l’Approvisionnement

Je viens du milieu juridique, j’ai enseigné le droit et je prends cela extrêmement au sérieux », affirme la ministre dans un entretien virtuel de près d’une heure qui s’est déroulé en bonne partie dans la langue de Molière.

Une ministre belge avait dévoilé en décembre dernier, sur Twitter, une liste de prix pour six vaccins dans l’Union européenne. Elle avait promptement été rappelée à l’ordre par Bruxelles, et le tweet avait disparu. Selon des captures d’écran, cependant, le prix à l’unité était de 22,62 $ pour celui de Moderna, de 17,73 $ pour celui de Pfizer-BioNTech, de 10,68 $ pour celui de Johnson & Johnson et de 2,63 $ pour celui d’AstraZeneca (conversion en dollars canadiens, au cours du 5 avril 2021).

On pourrait avoir une meilleure idée de l’argent qu’a injecté Ottawa pour se doter de ce que la ministre Anand qualifie de « portefeuille de vaccins le plus diversifié au monde » lors du dépôt du budget, le 19 avril prochain. Jusqu’à présent, on soutient avoir dépensé plus de 1 milliard, mais selon ce qu’a rapporté La Presse Canadienne début mars, l’Agence de la santé publique du Canada s’attend à dépenser jusqu’à 5,3 milliards. Un peu plus tôt, le chroniqueur de La Presse Francis Vailles parlait d’un mystère de 11 milliards.

La ministre et ses trois sommets

Anita Anand a recours à une analogie de grimpeuse pour relater son parcours des derniers mois. La première montagne était celle de l’approvisionnement en équipements de protection individuelle que tous les pays s’arrachaient le printemps dernier. Celle qui requiert toute son énergie en ce moment, on le devine, est celle de la vaccination – la ministre dit se lever la nuit pour savoir où sont les avions aux soutes chargées de vaccins. « Ce sont comme mes enfants », rigole-t-elle.

Entre les deux, il lui a fallu gravir la montagne de l’acquisition de tests de dépistage. Là-dessus également, elle a été abondamment critiquée par l’opposition à Ottawa. Et ces critiques, elle les redirige vers les provinces et les territoires, qui en font un usage trop frugal à son goût.

Nous avons acheté plus de 43,5 millions de tests rapides, et nous en avons déjà envoyé 24,4 millions aux provinces et aux territoires. Nous encourageons leur utilisation en raison des dates d’expiration associées aux tests rapides.

Anita Anand, ministre fédérale des Services publics et de l’Approvisionnement

Au Québec, seulement 1,3 % des 4,56 millions de tests rapides de dépistage envoyés par Ottawa avaient été utilisés en date du 29 mars dernier. La vaste majorité d’entre eux dorment dans des entrepôts, comme l’a rapporté La Presse. La ministre Anand affirme ignorer pour quelle raison les tests ne sont pas utilisés plus massivement, alors que la deuxième vague a fait place à une troisième, assortie de variants. « Nous [le fédéral], nous avons répondu à leurs demandes. Nous avons acheté des tests pour eux, et nous espérons qu’ils seront utilisés », laisse-t-elle tomber.