(Ottawa) Le leader parlementaire du gouvernement, Pablo Rodriguez, a annoncé qu’il témoignerait devant un comité parlementaire qui se penche sur un contrat maintenant annulé entre le gouvernement fédéral et l’organisme WE Charity, plutôt que le premier ministre Justin Trudeau ou ses employés.

Dans une lettre adressée dimanche à Chris Warkentin, le président du comité d’éthique de la Chambre des communes, M. Rodriguez a déclaré que l’un des conseillers principaux du premier ministre Trudeau avait reçu pour instruction de ne pas comparaître devant le comité – et qu’il serait présent à sa place.

Dans sa missive, le leader parlementaire affirme que les employés ne sont pas des élus de la Chambre, donc qu’ils ne bénéficient pas des « mêmes droits et privilèges ».

Il plaide que de convoquer du personnel politique « est en contradiction avec le principe de longue date de la responsabilité ministérielle ».

Ainsi, Rick Theis, directeur des politiques auprès du premier ministre, s’est fait dire de ne pas comparaître.

M. Rodriguez dit qu’il participera à la réunion du comité « au nom du gouvernement ».

Une motion conservatrice à l’origine

La lettre fait suite à des querelles entre les partis d’opposition et les libéraux la semaine dernière au sujet d’une motion présentée par les conservateurs à la Chambre des communes et adoptée par les députés pour que les hauts responsables du bureau de M. Trudeau témoignent devant le comité d’éthique.

La motion demandait également à l’ancien chef de cabinet du ministre de la Défense Harjit Sajjan de comparaître devant le comité de la défense pour faire la lumière sur la façon dont les libéraux ont traité les allégations d’inconduite sexuelle contre l’ancien commandant des Forces armées canadiennes, le général Jonathan Vance.

M. Rodriguez a indiqué vendredi que les libéraux ignoreraient la motion, accusant les conservateurs d’essayer d’intimider le personnel politique, ajoutant que les ministres sont ultimement responsables de ceux qui travaillent pour eux.

La motion, adoptée avec l’appui des partis d’opposition, indiquait que le personnel de M. Trudeau pouvait ignorer la demande de comparution si le premier ministre lui-même était présent.

Trudeau appelé à témoigner

Quelques heures avant que M. Rodriguez n’envoie sa lettre, les députés Pierre Poilievre et Michael Barrett ont appelé le premier ministre Trudeau à comparaître.

« Si les employés de Trudeau ne peuvent pas témoigner, alors il le peut », a soutenu M. Poilievre lors d’une conférence sur la colline du Parlement.

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Le député conservateur Pierre Poilievre

Nous lui demandons de témoigner au moins quatre heures devant le comité d’éthique en personne. […] Il pourra expliquer pourquoi son personnel s’est engagé dans une longue série de correspondances avec les frères de WE au sujet de la mise en place de programmes et de subventions des contribuables.

Pierre Poilievre

MM. Poilievre et Barrett n’ont pas dit quelles mesures les partis de l’opposition pourraient prendre si les libéraux ignoraient la motion, et ont plutôt présenté l’enjeu comme une question d’honorer la volonté du Parlement.

M. Barrett a plus tard fustigé la décision de M. Rodriguez d’assister à la réunion du comité à la place, notant que la motion adoptée par une majorité de députés au Parlement nommait spécifiquement M. Trudeau et son personnel.

« Elle ne comprend nulle part de référence au leader du gouvernement à la Chambre, a-t-il souligné. Depuis plus d’une semaine, les libéraux ont utilisé l’excuse selon laquelle les ministres devraient témoigner devant le comité. Les principaux acteurs du scandale WE de Trudeau travaillent pour le premier ministre, pas pour le leader du gouvernement à la Chambre. »

Bien que les premiers ministres ne témoignent généralement pas devant les comités, Justin Trudeau a comparu devant le comité des finances en juillet pour répondre aux questions sur la décision de son gouvernement, l’année dernière, de mandater WE Charity pour administrer un programme de bénévolat étudiant de plusieurs millions de dollars.

Par la suite, l’organisme s’est retiré de l’entente de 543 millions lorsque des questions ont été soulevées sur ses liens étroits avec les membres de la famille du premier ministre. Le programme de Bourse canadienne pour le bénévolat étudiant a finalement été annulé complètement.

Des messages soulèvent des doutes

Les libéraux et les cofondateurs de WE Charity, Craig et Marc Kielburger, ont insisté sur le fait que ce sont des fonctionnaires non partisans qui ont eu l’idée de confier le programme de subventions à l’organisation établie à Toronto.

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Les cofondateurs de WE Charity, Craig et Marc Kielburger, ont eu droit à un interrogatoire serré au Comité permanent des finances, le 28 juillet dernier.

Mais les conservateurs ont brandi des milliers d’échanges de courriels et d’autres documents publiés par le gouvernement en août, après le témoignage de M. Trudeau, comme preuve que l’arrangement était dirigé par les libéraux.

On retrouve notamment un message de Craig Kielburger dans lequel le jeune frère semble remercier l’un des conseillers principaux de M. Trudeau, Ben Chin, pour avoir contribué à façonner le programme de bourses aux étudiants.

Craig Kielburger a déclaré au comité d’éthique il y a deux semaines que M. Chin n’avait aucune implication directe et que le message était l’un des dizaines qu’un assistant avait envoyés pendant que M. Kielburger cherchait à étendre son réseau LinkedIn. Ben Chin est l’un de ceux que les conservateurs veulent recevoir devant le comité.