(Ottawa) Le premier ministre Justin Trudeau a laissé échapper quelques mots, mercredi, qui laissent croire qu’il écarte le scénario d’une élection au printemps.

En entrevue à l’émission « Que l’Estrie se lève », l’animateur Steve Roy a conclu son émission en lançant, à la blague, qu’il lui reparlerait de nouveau pendant la campagne électorale. M. Trudeau a répondu que ça va prendre « un petit bout de temps » et qu’il espère donc lui reparler avant ce moment-là.

Le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, croit lui aussi de moins en moins à un scénario d’élections au printemps.

« Il n’y a pas de bonne date d’élections au printemps, ça n’existe pas. Il y a sûrement des maudites bonnes dates d’élections à l’automne et je vais vous faire une confidence : moi, j’ai un petit peu hâte », a-t-il confié aux journalistes, en conférence de presse, mercredi.

« Les magouilles électorales, ce n’est pas nous qui allons le faire », a précisé le chef du Bloc.

Il y a deux semaines, M. Trudeau avait laissé planer le doute sur ses intentions dans une autre entrevue à la radio, avec l’animateur Paul Arcand cette fois

Il disait qu’il ne pouvait pas écarter l’option d’une élection au printemps, sous prétexte qu’il a besoin d’un Parlement qui « fonctionne » pour aider les Canadiens à passer à travers la pandémie. Il blâmait en particulier les conservateurs qui faisaient obstruction au projet de loi sur l’aide médicale à mourir.

Maintenant que le projet de loi a été adopté, M. Trudeau a adouci le ton.

Lors de son entrevue à l’émission radiophonique, mercredi, M. Trudeau a répondu par la négative lorsqu’on lui a demandé s’il y avait quelque chose qui lui faisait croire que le Parlement était moins fonctionnel qu’à l’habitude.

« Non. Je pense qu’on comprend que dans une situation de Parlement minoritaire […], il y a toujours des négociations pour passer tout projet de loi », a déclaré M. Trudeau.

« Notre priorité, c’est de pouvoir s’assurer qu’on est en train de donner l’appui nécessaire aux gens pendant qu’on finit cette vague de COVID, cette pandémie, mais aussi de préparer la relance comme il le faut. J’espère qu’on va pouvoir se concentrer là-dessus et pas sur des élections », a-t-il ajouté.

Qui appuiera le budget ?

Même si les libéraux et les partis d’opposition souhaitent tous éviter une élection avant que la population soit vaccinée, il n’en reste pas moins qu’un autre vote de confiance prêtera lieu à d’autres spéculations électorales.

Le gouvernement Trudeau déposera son premier budget en deux ans le 19 avril qui fera l’objet d’un vote de confiance. S’il n’a pas l’appui d’un des principaux partis d’opposition au moment de ce vote, le gouvernement tombera et le pays ira en élections.

Pour l’instant, les partis d’opposition n’ont pas voulu dévoiler leurs cartes.

M. Blanchet dit que les bloquistes ne voteraient pas en faveur d’un budget qui n’offrirait pas, entre autres, des augmentations de la pension pour les aînés de 65 ans et plus et des transferts en santé aux provinces. Il n’écarte pas non plus un scénario où ses députés se contenteraient d’une abstention.

« Si ça, ce n’est pas dans le budget, comment voulez-vous que je prétende représenter les Québécois si je vote pour ? » s’est-il demandé.

Le chef conservateur Erin O’Toole a fait part de ses attentes prébudgétaires dans une lettre adressée au premier ministre.

Il a invité le gouvernement à éviter de céder à la tentation de créer de nouveaux programmes sociaux « importants, coûteux et universels qui rendront difficile la protection de notre économie » et lui a demandé de présenter un « vrai plan » pour attirer les investissements.

De l’autre côté du spectre politique, les néo-démocrates espèrent voir des programmes d’aide permanents, comme l’assurance-médicaments, et un plan national pour les garderies. Ils espèrent aussi voir une taxe additionnelle pour faire payer les « ultra-riches » qui ont bénéficié de la pandémie.

« Nous n’allons pas chercher des moyens de voter contre le budget. Nous allons faire ce que nous avons fait pendant toute la pandémie, c’est-à-dire se battre pour ce dont les Canadiens ont besoin », a fait valoir le chef Jagmeet Singh.

M. Blanchet a mis au défi M. Trudeau de déclencher des élections lui-même s’il en veut réellement.

« Moi, je dis au premier ministre : si vous voulez vraiment, vraiment aller en élections pour continuer à faire des annonces à coups de centaines de millions à chaque semaine, allez voir le substitut de votre amie la gouverneure générale. Un peu de courage et de franchise ! » a-t-il lancé.