(Ottawa et Trois-Rivières) Le Canada impose des sanctions à l’endroit de fonctionnaires et d’une entité gouvernementale de la Chine en raison de « leur participation à des violations flagrantes et systématiques des droits de la personne dans la région autonome ouïghoure du Xinjiang ». Mais il ne faut pas voir de « lien » entre ces mesures et le traitement réservé aux deux Michael, assure Justin Trudeau.

Les sanctions témoignent « des vives préoccupations du Canada face aux violations des droits de la personne au Xinjiang à l’encontre des Ouïghours et d’autres minorités ethniques musulmanes », est-il écrit dans un communiqué publié par Affaires mondiales Canada, lundi.

« Parmi ces violations, la détention arbitraire massive de plus de 1 million d’Ouïghours et d’autres minorités ethniques musulmanes en raison de leur religion et de leur appartenance ethnique, mais aussi la rééducation politique, les travaux forcés, la torture et la stérilisation forcée », ajoute-t-on.

Les sanctions de type Magnitsky, du nom d'un avocat de Moscou qui a mis au jour la plus importante fraude fiscale de l’histoire de la Russie, a été détenu sans procès et torturé puis en est mort le 16 novembre 2009, ont été prises en coordination avec les États-Unis et le Royaume-Uni, et « en solidarité avec l’Union européenne ».

Elles ont été annoncées le jour même où Michael Kovrig a comparu devant un tribunal à Pékin, derrière des portes closes, pour faire face à des accusations d’espionnage. Aucun verdict n’a été rendu public, comme ce fut le cas vendredi dernier pour Michael Spavor.

Doit-on voir dans ces sanctions une forme de représailles du Canada ?

« Non, a répondu le premier ministre Justin Trudeau. Il n’y a pas de lien entre ces deux évènements, ça fait longtemps qu’on déplore la détention arbitraire des deux Michael et qu’on travaille avec nos alliés à travers le monde », a-t-il précisé lors de son passage à Trois-Rivières.

« Sur un autre front, on est avec nos alliés à l’international, étant très préoccupés face à la situation des minorités musulmanes dans l’est de la Chine, les Ouïghours, et c’est pour ça qu’on est allés de l’avant, de concert avec nos alliés, parce qu’il faut travailler ensemble », a poursuivi M. Trudeau.

Les deux Canadiens croupissent derrière les barreaux en Chine depuis plus de deux ans.

Lundi matin, dans la capitale chinoise, plus de 20 diplomates étrangers se sont présentés devant l’édifice où l’ancien diplomate Michael Kovrig comparaissait.

Justin Trudeau leur a signalé sa reconnaissance, lundi en ouverture de la conférence de presse.

« Je veux remercier les représentants des 22 pays, en plus de l’Union européenne, qui étaient présents pour démontrer la solidarité des démocraties libres à travers le monde avec le Canada et nos deux Canadiens », a-t-il indiqué.

Les personnes et entités visées par ce règlement sont Zhu Hailun, Wang Junzheng, Wang Mingshan, Chen Mingguo ainsi que le Bureau de la sécurité publique du Corps de production et de construction du Xinjiang, a précisé le gouvernement canadien.

Cela leur interdit toute transaction financière, et les personnes visées sont interdites de territoire au Canada.

Avenir incertain pour les Michael

Le professeur Jérôme Beaugrand-Champagne, qui a pratiqué le droit pendant plus de 20 ans en Chine, note que « les juges sont nommés par le Parti communiste chinois et lui doivent allégeance », et que « même s’ils appliquent la loi, ils reçoivent des instructions pour certains jugements ».

Il rappelle que dans 99 % des cas, les accusés sont déclarés coupables.

On ne connaît pas encore le verdict dans les causes des deux Michael.

Mais « en vertu de l’actuelle loi de procédure pénale chinoise, le tribunal dispose de deux à six mois, à compter de la date à laquelle une affaire est transférée au tribunal, pour tenir des audiences et rendre un jugement initial », indique M. Beaugrand-Champagne.

Ce processus peut être plus long avec l’approbation de la Cour populaire suprême chinoise, selon lui.

Génocide, un terme encore évité

Nulle part dans le communiqué d’Ottawa n’est-il question de « génocide » pour qualifier ce qui se passe au Xinjiang.

La Chambre des communes a adopté à l’unanimité il y a un mois jour pour jour une motion stipulant que la minorité musulmane ouïghoure était victime d’un génocide. Le premier ministre Justin Trudeau ainsi que ses ministres n’ont pas pris part au vote.

« Le Parlement du Canada l’a reconnu [le terme génocide], bien des instances à travers le monde l’ont reconnu », a précisé M. Trudeau lundi. […] Ce n’est pas un pays qui peut le faire seul, ce sont tous les pays qui doivent le faire ensemble », a-t-il ajouté.