(Ottawa) Forcés de mettre fin aux activités de We Charity au Canada l’automne dernier à cause d’un scandale qui a éclaboussé le gouvernement Trudeau, les frères Marc et Craig Kielburger ripostent. Ils accusent les partis politiques d’avoir détruit une organisation qui soutenait les jeunes au pays et qui contribuait à réduire la pauvreté dans les pays en voie de développement.

Témoignant à nouveau devant un comité parlementaire, lundi, les deux frères ont décidé de mettre de côté toute forme de diplomatie, critiquant vertement le gouvernement Trudeau et les partis de l’opposition pour avoir causé la perte d’une organisation qu’ils ont fondée il y a 25 ans.

« Si des politiciens partisans peuvent utiliser leur pouvoir d’une manière aussi irresponsable pour détruire une œuvre de charité, ils peuvent également le faire à toute autre organisation ou toute autre entreprise », a lancé Marc Kielburger durant sa déclaration d’ouverture aux membres du comité de l’éthique qui a duré une quinzaine de minutes.

Visiblement amer de la tournure des évènements, Marc Kielburger s’est montré particulièrement cinglant envers le député néo-démocrate Charlie Angus, qui a envoyé une lettre il y a deux semaines à la Gendarmerie royale du Canada et à l’Agence du revenu du Canada (ARC) pour demander qu’ils lancent également une enquête sur les activités de We Charity au Canada.

Marc Kielburger a accusé le député du NPD d’avoir répandu des « mensonges » au sujet de l’organisme et d’avoir cherché à faire « les manchettes » à envoyant une lettre à la GRC et à l’ARC.

« Au cours des neuf derniers mois, nous avons cherché à être mesurés dans nos commentaires pour le bien-être d’une organisation caritative pour enfants qui a cependant été détruite par des tirs croisés politiques. Aujourd’hui, nous décidons de prendre position. Nous avons été déçus par le comportement de tous les partis politiques dans cette affaire », a-t-il lancé.

We Charity s’est retrouvé sur la sellette après que le gouvernement Trudeau lui eut accordé un contrat sans appel d’offres afin de gérer un nouveau programme de bourses aux étudiants pour les encourager à faire du bénévolat en pleine pandémie. Le programme était doté d’un budget de près de 900 millions de dollars et aurait permis à We Charity de toucher des frais de gestion de 43,5 millions de dollars.

Mais le contrat a été annulé après les révélations selon lesquelles We Charity entretenait des liens étroits avec le premier ministre Justin Trudeau et sa famille de même qu’avec la famille de l’ancien ministre des Finances Bill Morneau.

Quatre comités de la Chambre des communes ont lancé des enquêtes sur l’octroi de ce contrat et les liens entre l’organisme et des ministres du gouvernement Trudeau. Mais les travaux de ces comités ont été suspendus à la suite de la décision du premier ministre de proroger le Parlement en août dernier.

Le commissaire à l’éthique et aux conflits d’intérêts, Mario Dion, a aussi lancé une enquête sur l’implication de M. Trudeau et de M. Morneau dans l’attribution du contrat.

Le comité de l’éthique a repris son enquête il y a quelques semaines et a décidé de convoquer de nouveau les frères Kielburger, qui avaient témoigné devant le comité des finances en juillet dernier.

« Nous n’avons pas conseillé au premier ministre et à M. Morneau de ne pas se récuser (du cabinet). Nous n’avons jamais prorogé le Parlement. Nous n’avons pas été impliqués dans la décision d’obstruction systématique à ce comité l’automne dernier. C’est un scandale politique pour le gouvernement, pas pour WE Charity. Le gouvernement s’est caché derrière une œuvre de charité pour les enfants en la laissant porter le blâme pour ses décisions politiques. Et les partis de l’opposition l’ont laissé faire », a affirmé Marc Kielburger durant sa déclaration.

Depuis que ce scandale a éclaté, les frères Kielburger ont affirmé avoir été la cible de menaces de mort, tout comme les membres de leurs familles.

Leur témoignage de plus de trois heures n’a pas permis d’apprendre de nouveaux éléments au sujet des tractations entre l’organisme et des membres du gouvernement Trudeau concernant l’octroi du contrat sans appel d’offres.

Mais il a donné lieu à quelques échanges pointus entre les deux frères et certains députés, notamment le député néo-démocrate Charlie Angus et le député conservateur Pierre Poilievre.