(Ottawa) Justin Trudeau laisse entendre que le Parlement canadien est devenu dysfonctionnel, et qu’il lui est par conséquent impossible d’écarter la possibilité d’élections printanières si les partis de l’opposition bloquent les mesures d’aide liées à la pandémie.

Le premier ministre est questionné depuis des semaines sur la possibilité du déclenchement d’élections. En réponse à ces supputations, il se contente généralement de noter qu’en situation de Parlement minoritaire, les citoyens peuvent être appelés aux urnes à tout moment.

Il a cependant semblé aller un peu plus loin dans sa rhétorique mercredi matin au micro de Paul Arcand, en lançant un avertissement pointu aux partis de l’opposition en Chambre, au lendemain du dépôt d’une motion visant à mettre fin au débat entourant le projet de loi sur l’aide médicale à mourir.

« Ma priorité, c’est d’aider les Canadiens, c’est de passer à travers la pandémie, mais pour ça, j’ai besoin que le Parlement fonctionne, et on a vu avec l’aide médicale à mourir, on a vu avec plein de débats qu’il y a des partis, particulièrement le Parti conservateur, qui sont en train de bloquer et d’interférer avec le fonctionnement du Parlement », a exposé Justin Trudeau.

« Si les autres partis refusent de passer les projets de loi qui vont aider les gens, si on se voit limité à cause de jeux comme [ceux auxquels] les conservateurs sont en train de jouer maintenant avec l’aide médicale à mourir, je ne peux pas écarter toute possibilité. On a besoin d’avoir un Parlement qui fonctionne pour aider les Canadiens pendant cette pandémie », a-t-il enchaîné.

Au Parti conservateur, on ne veut pas de scrutin tant que la pandémie sera dans le paysage.

Dans une déclaration écrite transmise mercredi, le leader parlementaire de la formation en Chambre, Gérard Deltell, a dit soupçonner les libéraux de « complique[r] délibérément les débats pour retarder le processus et se préparer à aller en élections » alors que selon lui, « les Canadiens veulent que le parlement fonctionne ».

Du côté du Bloc québécois, on se dit prêt à se retrouver sur les blocs de départ à tout moment, mais de préférence une fois qu’une majorité de Canadiens auront été vaccinés, a réitéré le chef Yves-François Blanchet en conférence de presse, mercredi.

Mais selon lui, si le Parlement ne fonctionne pas, c’est Justin Trudeau qui en est le grand responsable. « Il n’a que lui à blâmer », a-t-il lancé lorsqu’on l’a invité à commenter l’entrevue qu’a accordée le premier ministre sur les ondes du 98,5 FM.

Et les libéraux pourraient en payer le prix à l’urne, croit le dirigeant bloquiste.

« Moi, je dis au premier ministre : “Si vous voulez vraiment porter l’odieux face à 38 millions de personnes, que vous préférez défendre vos petits intérêts partisans plutôt que de protéger les Québécois et les Canadiens contre la pandémie, il va y avoir une facture qui va venir avec” », a-t-il lancé.

Le chef du Nouveau Parti démocratique, Jagmeet Singh, ne souhaite pas plonger le pays en élections dans le contexte actuel. En fait, il a indiqué que ses troupes ne contribueraient pas à la chute du gouvernement qui mènerait à un scrutin.

Une nouvelle personne à Rideau Hall bientôt

Pour faire tomber le gouvernement, les trois partis de l’opposition doivent s’unir. Rien n’empêche cependant le premier ministre de se rendre à Rideau Hall pour demander la dissolution du Parlement.

ll reste à savoir qui serait son interlocuteur, la gouverneure générale Julie Payette ayant remis sa démission fin janvier, dans la foulée du scandale entourant la toxicité de l’environnement de travail sous sa houlette.

En attendant la nomination de la prochaine personne qui représentera la reine Élisabeth II au Canada, le juge en chef de la Cour suprême, Richard Wagner, assume ses responsabilités.

Le gouvernement, qui a signalé que cette situation ne pouvait durer longtemps, a déclenché le processus de sélection du futur chef de l’État canadien.

Une nomination devrait être annoncée sous peu, a indiqué Justin Trudeau en entrevue à la radio.

« On va faire une annonce d’ici quelques jours, je crois », a-t-il dit.