(Ottawa) Le gouvernement libéral devrait déposer mardi prochain un projet de loi visant à renforcer le contrôle des armes à feu dites « d’assaut » — mais le programme de rachat serait volontaire.

Ce projet de loi, promis depuis longtemps, viendrait étoffer l’interdiction au pays, annoncée le printemps dernier, de nombreux types d’armes à feu que le gouvernement considère comme des « armes d’assaut de type militaire ». Le projet de loi prévoirait des dispositions d’entreposage plus strictes des armes à feu et ciblerait le trafic et la contrebande.

Le gouvernement a interdit en mai dernier, par décret du cabinet, des centaines de types d’armes à feu « d’assaut », affirmant qu’elles avaient été conçues pour le champ de bataille et non pour la chasse au chevreuil ou le tir sportif. L’interdiction couvre quelque 1500 modèles et variantes de ces armes, ce qui signifie qu’elles ne peuvent plus être utilisées, vendues ou importées légalement au Canada.

Le projet de loi du ministre de la Sécurité publique, Bill Blair, devrait proposer un programme de rachat de ces armes, à leur juste valeur marchande, mais devrait aussi permettre aux propriétaires de les conserver, avec des conditions strictes.

Pas assez contraignant

Une telle mesure volontaire risque de mécontenter les partisans du contrôle des armes à feu, qui implorent les libéraux depuis des mois de rendre le rachat obligatoire afin de garantir que les armes à feu qui restent aux propriétaires ne soient pas utilisées à mauvais escient ou volées.

« Les libéraux […] ont été élus en promettant un programme de rachat obligatoire », indiquait en mai dernier Heidi Rathjen, diplômée de Polytechnique et coordonnatrice de PolySeSouvient. « Les libéraux continueront à être critiqués pour n’avoir pas accompli la tâche alors qu’ils en avaient l’opportunité et les conservateurs continueront à être aux prises avec une base extrémiste proarmes. »

Boufeldja Benabdallah, cofondateur de la Grande Mosquée de Québec, exhortait le gouvernement « à ne pas reculer sur le programme de rachat obligatoire qui nous a été promis, ainsi qu’à tous les Canadiens ». Il avait comparu devant la Chambre des communes quelques mois après l’attentat à la mosquée de Québec, qui a fait six morts et plusieurs blessés, tombés sous les balles d’un tueur, il y a quatre ans.

Interrogé là-dessus jeudi, le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, a estimé qu’« un programme de rachat, pour être pertinent et efficace, doit, bien sûr, être contraignant ».

« On a l’impression que le gouvernement recule, encore une fois, dans la perspective de déplaire au moins de monde possible, a-t-il dit. Mais il y a beaucoup de gens qui vont juger le gouvernement selon son sens des responsabilités et le respect de ses propres engagements. »

Sur le dos des municipalités

Par ailleurs, le gouvernement libéral a depuis longtemps fait part de son intention d’accorder aux municipalités les moyens de gérer l’entreposage et l’utilisation des armes de poing sur leur territoire, puisqu’elles ont des besoins et des préoccupations différents à ce chapitre.

Mais les détracteurs de ce plan affirment que ces interdictions municipales créent une courtepointe inefficace de réglementations. La mairesse de Montréal, Valérie Plante, plaidait encore cette semaine que « le trafic des armes ne s’arrête pas rendu au fleuve ou à la rivière des Prairies : ça circule ».

« Ça n’a pas de sens que ce soit les villes qui légifèrent une à la suite de l’autre », a soutenu Mme Plante, à la suite de la fusillade qui a coûté la vie à une adolescente de 15 ans dans l’arrondissement de Saint-Léonard, dimanche dernier.

Le regroupement « Les familles de Danforth pour des communautés sûres », qui a fait pression pour l’interdiction de la possession privée d’armes de poing, a plaidé que la violence armée à Toronto n’avait fait qu’empirer depuis la tragique fusillade de 2018.

Le député libéral torontois Nathaniel Erskine-Smith préconise plutôt des restrictions fédérales sur les armes de poing, qui prévoiraient un droit de retrait pour les municipalités qui le souhaitent.

Dispositions

Le projet de loi qui doit être déposé mardi aux Communes prévoirait notamment :

– des dispositions permettant à la police, aux médecins, aux victimes de violence conjugale et aux familles de lancer un signal d’alarme sur ceux qui possèdent des armes et qui présentent un risque pour eux-mêmes ou pour un groupe identifiable ;

– des règles d’entreposage sécuritaire plus strictes pour aider à prévenir le vol d’armes à feu ;

– une augmentation éventuelle des ressources, et des sanctions plus sévères, pour freiner le trafic d’armes illégales aux frontières ;

– de nouvelles pénalités pour les achats d’armes à feu par un acheteur agréé au nom d’un acheteur non agréé ;

– le maintien des limites actuelles des chargeurs, qui sont généralement de cinq balles pour les carabines et fusils de chasse, et de 10 pour les armes de poing. On devrait aussi sanctionner la vente de chargeurs qui peuvent être modifiés pour contenir plus de cartouches.