(Ottawa) Des députés de tous les partis à Ottawa et à Québec, des organisations humanitaires et l’ex-olympien Jean-Luc Brassard exigent du Comité international olympique (CIO) qu’il déplace les Jeux olympiques de Pékin de 2022 si le « gouvernement chinois continue dans son délire génocidaire » contre les Ouïghours.

« Nous ne demandons pas à nos athlètes de renoncer à leur rêve olympique, car nous sommes très conscients des efforts considérables qu’il leur aura fallu déployer pour espérer pouvoir le réaliser », écrivent une trentaine de signataires dans une lettre qu’a obtenue La Presse avant sa parution et dont l’instigateur est le député bloquiste Alexis Brunelle-Duceppe.

« Nous croyons cependant qu’il est encore temps d’exiger du Comité international olympique qu’il organise les Jeux ailleurs si le gouvernement chinois continue dans son délire génocidaire, [afin de] refuser de participer, à travers cette grande fête sportive planétaire, à une sinistre mise en scène visant l’autoglorification d’un régime qui commet les pires crimes contre l’humanité envers sa propre population », lit-on dans la missive.

La démarche ne vise pas à « prendre notre élite sportive en otage, [mais à] faire en sorte que les médailles qu’ils et qu’elles gagneront en 2022 ne soient pas souillées par ce que l’histoire retiendra sans doute, après ceux de Berlin en 1936, comme étant les Jeux de la honte », plaident les signataires, parmi lesquels figure le médaillé d’or Jean-Luc Brassard.

Celui-ci se dit très conscient des chances que le plaidoyer soit entendu par le CIO – elles sont tout simplement inexistantes. « Je ne me fais pas d’illusions. Ça n’arrivera pas. J’ai grandi dans le mouvement olympique, je sais comment ça marche », laisse-t-il tomber en entrevue avec La Presse. Et pourquoi pas ? C’est une question de gros sous, tranche Jean-Luc Brassard.

« Les plus grands commanditaires du CIO, en ce moment, sont des entreprises chinoises comme Alibaba, entre autres. Alors, en partant, money talks. Le CIO a octroyé les Jeux à la Chine, et à l’époque, les droits de la personne, ce n’était pas mieux, et il l’a fait pareil, note-t-il. Et il y a des contrats qui ont été signés, alors à la limite, la Chine pourrait revenir contre le CIO. »

Un boycottage ?

À environ un an de l’ouverture prévue de la compétition sportive internationale à Pékin, des appels à un boycottage pur et simple des Jeux olympiques ont commencé à se faire entendre – une option que le Comité olympique canadien et le Comité paralympique canadien ont balayée d’un revers de main dans une lettre ouverte parue jeudi dans les pages de La Presse.

Le doyen du CIO, le Canadien Richard Pound, s’y est aussi opposé dans des entrevues accordées à des médias anglophones cette semaine. À l’agence La Presse Canadienne, il a affirmé vendredi qu’un boycottage équivaudrait à faire aux athlètes ce que les groupes de pression reprochent à la Chine de faire. « D’une certaine façon, vous privez les athlètes canadiens de leurs droits et les placez en prison pour une démarche politique qui doit provoquer un changement d’approche », a-t-il affirmé.

La lettre rédigée par Alexis Brunelle-Duceppe ne préconise pas non plus cette approche. Mais on fait le pari que la démarche sensibilisera les gens au traitement que le régime chinois réserve aux Ouïghours dans la région du Xinjiang. Dans un rapport déposé par un sous-comité de la Chambre en octobre 2020, on évoque un « génocide ».

PHOTO JUSTIN TANG, LA PRESSE CANADIENNE

Alexis Brunelle-Duceppe, député du Bloc québécois

« À la lumière des témoignages qu’il a recueillis au cours de ses audiences, en 2018 et en 2020, le sous-comité est persuadé que les gestes du Parti communiste chinois constituent un génocide aux termes de la Convention sur le génocide », a tranché le sous-comité, dont fait partie le député Brunelle-Duceppe. Le gouvernement chinois a été ulcéré de cette conclusion, qu’il a taxée de mensonge.

La lettre appelant au déplacement des Jeux a été signée par au moins un député de toutes les formations à la Chambre des communes et à l’Assemblée nationale, ainsi que par l’ex-ministre libéral Irwin Cotler et l’Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador, entre autres.