(Québec) La transpartisanerie sur l’enjeu de l’exploitation sexuelle a atteint ses limites cette semaine lors de la commission parlementaire étudiant la réforme du régime d’indemnisation des victimes d’actes criminels (IVAC). La députée caquiste Lucie Lecours et la députée libérale Christine St-Pierre, qui étaient coprésidentes de la Commission spéciale sur l’exploitation sexuelle des mineurs, s’accusent désormais de faire de la petite politique et de manquer de décence.

L’enjeu au cœur de ces tensions prend racine dans le projet de loi 84 du ministre de la Justice, Simon Jolin-Barrette, qui propose une réforme historiquement réclamée de l’IVAC. La modernisation du régime, assortie d’une somme de 193 millions sur cinq ans, prévoit l’abolition de la liste des infractions admissibles, jugée désuète, pour y admettre tous ceux qui sont victimes de crimes contre la personne.

Au cabinet du ministre, on souligne que cette réforme était réclamée depuis des décennies, mais que les gouvernements précédents n’ont jamais pris le temps de corriger les problèmes du régime. Or, un aspect du projet de loi 84 soulève aussi les critiques, puisqu’il ne permet pas aux victimes de crimes non admissibles jusqu’à maintenant, mais qui le seraient une fois le projet de loi adopté, d’obtenir une indemnité pour les violences qu’elles ont subies.

« Je n’en reviens pas. […] Montréal est la plaque tournante de l’exploitation sexuelle. On commande des filles comme on commande des pizzas. Une victime d’exploitation sexuelle qui va prendre tout son courage à deux mains, qui va aller dénoncer ses agresseurs [avant l’adoption du projet de loi], on va lui dire [qu’elle n’est pas admissible à l’IVAC] parce qu’il n’y a pas de mesure rétroactive pour celles qui ont mis leurs tripes sur la table ? C’est écœurant ! Je suis hors de moi », a tonné la députée libérale Christine St-Pierre, jeudi.

Vendredi, celle avec qui elle partageait la présidence de la Commission transpartisane sur l’exploitation sexuelle des mineurs, Lucie Lecours, s’est dite « outrée d’entendre Mme Christine St-Pierre faire de la petite politique sur le dos des victimes d’acte criminel ». Elle « invite le Parti libéral du Québec et ses porte-paroles à faire preuve d’un minimum de décence dans ce débat émotif et important », a-t-elle déclaré dans une publication sur Facebook.

« Les lacunes de l’IVAC sont soulevées depuis plus de 20 ans et une réforme en profondeur est réclamée depuis tout aussi longtemps. À tour de rôle les gouvernements qui nous ont précédés se sont engagés à réformer le régime, mais n’en ont rien fait. Le Parti libéral a été au pouvoir pendant 15 années durant cette période de temps. Ils n’ont eu ni le courage et ni le cœur pour agir », a-t-elle dénoncé.

Le ministre de la Justice a pour sa part affirmé jeudi qu’il ne pouvait « pas refaire le passé », mais que son projet de loi « [ferait] en sorte que les crimes qui n’étaient pas couverts [le soient] désormais, dont celui de l’exploitation sexuelle ». M. Jolin-Barrette n’a toutefois pas ouvert la porte à modifier son projet de loi afin que les victimes de crimes qui seraient à l’avenir admissibles à l’IVAC bénéficient d’une mesure rétroactive qui leur permettrait d’être indemnisées.