(Ottawa) Le nouveau ministre des Transports, Omar Alghabra, se dit « déçu » des insinuations que répand le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, sur son compte à la suite de sa nomination au Cabinet, et il le convie à un entretien à sa convenance pour « qu’il apprenne à mieux [le] connaître ».

M. Alghabra a lancé cette invitation au chef bloquiste après que ce dernier eut laissé entendre, dans un communiqué de presse publié en soirée mardi pour réagir au remaniement ministériel, que le nouveau ministre des Transports avait des penchants islamistes.

Dans ce communiqué, qui a provoqué de vives réactions dans les rangs libéraux, M. Blanchet soutient qu’il « refuse d’accuser qui que ce soit, mais [que] des questions se posent sur la proximité du nouveau ministre des Transports, Omar Alghabra, avec le mouvement islamique politique dont il a été un dirigeant pendant plusieurs années ».

PHOTO ADRIAN WYLD, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Yves-François Blanchet, chef du Bloc québécois

M. Alghabra a dirigé pendant deux ans, soit en 2004 et en 2005, la Fédération canado-arabe (FAC) en tant que bénévole. À ce titre, il a eu l’occasion de rencontrer en privé Gilles Duceppe, alors qu’il était chef du Bloc québécois, et les autres leaders politiques à tour de rôle de l’époque, soit l’ancien premier ministre Paul Martin, l’ancien chef du Parti conservateur Stephen Harper et l’ancien chef du Nouveau Parti démocratique, le regretté Jack Layton.

« Les mots comptent, surtout quand ils viennent d’un chef d’un parti politique comme le Bloc québécois », a lancé au bout du fil le ministre des Transports dans une entrevue avec La Presse.

Les mots que prononce un leader ont un poids. […] Ce que les leaders disent alimente un environnement ou un climat politique. Et il faut se demander quel genre de climat politique nous voulons pour notre société.

Omar Alghabra, ministre fédéral des Transports, en entrevue avec La Presse, en faisant allusion aux violences survenues aux États-Unis, alimentées par les propos incendiaires du président Donald Trump

Ingénieur de formation, M. Alghabra a fait le saut en politique fédérale en se faisant élire pour la première fois dans la circonscription de Mississauga–Erindale en 2006. Il a été défait aux élections de 2008, de même qu’à celles de 2011, mais a remporté la victoire dans la circonscription de Mississauga-Centre en 2015 et en 2019.

« Contrairement à M. Blanchet, je sais que l’ancien chef du Bloc québécois Gilles Duceppe n’aurait jamais dit une telle chose », a soutenu le nouveau ministre, soulignant que M. Duceppe et les autres leaders de l’époque avaient assisté à une réception organisée par la FAC alors qu’il en était président.

« Je veux vous dire en français que j’aimerais avoir une conversation directe avec M. Blanchet », a encore dit M. Alghabra, qui tente d’apprendre la langue de Molière. « M. Blanchet ne me connaît pas. Il se livre à une campagne de salissage dangereuse », a-t-il ajouté du même souffle.

Né en Arabie saoudite de parents syriens, M. Alghabra est arrivé au Canada à l’âge de 19 ans. Depuis quelques années, des accusations circulent sur le web selon lesquelles M. Alghabra aurait appuyé l’intention du gouvernement de l’Ontario en 2004 qui envisageait d’instaurer des tribunaux islamiques pour trancher les litiges familiaux. Cette idée a finalement été abandonnée par l’Ontario.

Le bureau du ministre affirme que ce sont des accusations sans fondement colportées par Rebel News, site internet proche de l’extrême droite au pays qui est souvent alimenté par les complotistes. « Il n’a jamais été en faveur de la charia ni des tribunaux islamiques », a affirmé Amy Butcher, la directrice des communications du ministre.

En entrevue, M. Alghabra a dit avoir l’habitude de composer avec des gens qui alimentent « des soupçons et des attaques sans fondement » en raison de son origine, notamment depuis qu’il s’est lancé en politique.

J’invite M. Blanchet ou tout autre député de la Chambre des communes à passer au peigne fin mes discours et mon bilan. […] J’ai toujours travaillé pour régler des dossiers, mais aussi pour bâtir des ponts entre des gens de différentes origines.

Omar Alghabra, ministre fédéral des Transports, en entrevue avec La Presse

Il a notamment souligné son initiative, lancée en 2016, de réunir des députés de confession juive et musulmane à Ottawa pour partager un souper de Noël afin de discuter des valeurs qui les unissent et de rejeter à l’unisson l’intolérance – une rencontre qui a eu lieu cette saison encore, mais par Zoom, en raison de la pandémie.

Blanchet se défend

Dans un courriel envoyé par son bureau à La Presse, le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, s’est défendu d’avoir attaqué injustement le nouveau ministre.

« J’ai soulevé des questions légitimes en démocratie quant à des positions passées du nouveau ministre des Transports relativement à l’application de la loi islamique [charia] en matière de droit familial, avec ce que cela implique pour les droits des femmes, ainsi que sur son opposition à l’inscription du Hamas sur la liste des groupes terroristes alors qu’il dirigeait la Fédération canado-arabe », a affirmé M. Blanchet.

« Non seulement le Parti libéral refuse-t-il que le ministre réponde aux questions, mais il tente aussi de censurer le simple fait de les poser. Les libéraux de Justin Trudeau craignent-ils de s’en remettre au jugement des Québécois et des Canadiens ? », a-t-il ajouté.