J’espère que les piliers de Projet Montréal ont profité au maximum du congé du temps des Fêtes pour recharger leurs batteries. Les prochains mois seront très exigeants pour eux. Il ne faudrait pas l’oublier, l’année qui s’amorce en est une d’élections municipales partout au Québec.

En attendant de voir comment cette vaste opération va s’organiser dans un contexte de pandémie et quels seront les adversaires qui se mesureront à l’équipe en place, il faut revenir sur le défi majeur qui attend Valérie Plante : freiner au plus vite la crise interne qui touche son parti.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, ARCHIVES LA PRESSE

La mairesse de Montréal Valérie Plante

Les départs et les transitions des derniers mois ont affaibli l’image de Projet Montréal. Ils ont aussi diminué son pouvoir. Le parti de Valérie Plante est maintenant à un siège de perdre la majorité au conseil municipal.

Si on retire la voix de la présidente, Suzie Miron (appelée à voter en cas d’égalité), et celle d’un poste qui est à pourvoir, cela donne 32 sièges à Projet Montréal et 31 à l’opposition formée d’Ensemble Montréal (18), d’Équipe Anjou (2), d’Équipe Barbe (3) et des huit conseillers indépendants.

Il suffirait donc qu’un seul élu de Projet Montréal quitte le parti et aille siéger comme indépendant pour ébranler le fragile équilibre qui existe en ce moment.

Ce sont les départs récents de Christine Gosselin et de Christian Arseneault, qui siègent maintenant comme indépendants, qui ont créé cette situation précaire. Au total, quatre élus de Projet Montréal ont quitté le parti ou s’en sont fait exclure en 2020.

En entrevue de fin d’année au journal Métro, Valérie Plante a répliqué en rappelant qu’il fallait aussi regarder du côté d’Ensemble Montréal, qui a perdu neuf élus au cours des trois dernières années. Ces derniers ont préféré aller faire de la politique à Ottawa ou à Québec, quelques-uns ont souhaité rejoindre les rangs de Projet Montréal.

***

Un facteur pourrait avoir une influence sur le partage du pouvoir au conseil municipal et c’est le poste qui est toujours à pourvoir dans Saint-Léonard-Est. Vacant depuis la démission de Patricia Lattanzio, élue à la Chambre des communes en octobre 2019, ce poste devait être pourvu lors d’une élection partielle en mars 2020. Mais voilà, la pandémie est venue freiner cet exercice démocratique.

Ensemble Montréal, l’opposition officielle, réclame au plus vite un scrutin dans ce district de 30 000 habitants. Une motion a été déposée en ce sens l’automne dernier. Cela n’a rien donné.

Pour les élus de Saint-Léonard, il est évident que l’administration Plante n’a pas du tout envie de déclencher un processus électoral dans ce bastion détenu majoritairement par Ensemble Montréal. De son côté, le bureau de la mairesse se défend en disant qu’il serait irresponsable de tenir cette élection alors que la pandémie connaît une nouvelle poussée. Précisons que nos voisins américains ont tenu des élections à l’échelle du pays dans un contexte de pandémie.

Cette situation précaire n’augure rien de bon pour les mois à venir. Valérie Plante a besoin d’avoir les coudées franches pour faire passer ses idées. Elle a surtout besoin de latitude pour bien gérer la crise sanitaire et économique qui frappe durement la métropole.

***

L’autre aspect non négligeable de cette crise qui frappe Projet Montréal est l’effritement de son membership. En octobre dernier, Radio-Canada faisait état de données inquiétantes. Des 5000 membres que le parti possédait juste avant les élections de novembre 2017, il n’en reste plus que 2000. Parmi les déserteurs, on retrouve de jeunes militants désillusionnés qui fondaient beaucoup d’espoir dans ce parti.

Dans ce contexte, les prochains mois risquent d’être fort mouvementés. Je ne serais pas surpris de voir d’autres départs de Projet Montréal. Mais je ne serais pas surpris, non plus, d’assister à des tractations pour éviter une situation minoritaire pour le parti de Valérie Plante.

Projet Montréal pourrait-il aller chercher des élus indépendants ou d’autres partis ? C’est dans l’ordre du possible. Les mois qui précèdent une élection laissent souvent voir leur esprit guerrier.

Valérie Plante devra éviter que le bateau prenne l’eau, tout en gérant la crise liée à la pandémie, une tâche dont elle s’acquitte plutôt bien, par ailleurs, en effectuant promptement des demandes appropriées à Québec et à Ottawa.

Elle devra aussi rebâtir son équipe en vue des prochaines élections. Cette opération, déjà amorcée, semble déplaire à certains élus, qui constatent qu’ils sont sur un siège éjectable. Rappelez-vous les propos de Cathy Wong qui, pour exprimer son désir de voir un certain renouvellement au sein des élus, avait glissé sur une pelure de banane.

« Comment peut-on laisser une place aux candidats de la diversité quand des élus s’accrochent à leur poste mandat après mandat ? », avait déclaré l’élue de Projet Montréal en faisant référence au conseiller indépendant Marvin Rotrand, doyen de l’hôtel de ville.

Ces propos ont très mal passé. La responsable de la lutte contre le racisme au comité exécutif qui fait preuve… d’âgisme. Ça se présente mal. La conseillère de Ville-Marie avait aussi peut-être oublié que Marvin Rotrand fait partie d’un groupe minoritaire et qu’il est de confession juive.

Conserver les maillons forts du parti, mettre de côté ceux qui sont faibles, aller chercher de nouveaux visages qui vont refléter une plus grande diversité culturelle (une grande préoccupation pour les leaders de Projet Montréal) et reconquérir les électeurs déçus tout en demeurant fidèle aux idées et aux valeurs de son parti, c’est l’énorme défi qui attend Valérie Plante cette année.