(Ottawa) Après Calgary la veille, voici que Toronto se rallie, jeudi, à l’initiative de Brampton, où le maire Patrick Brown veut lancer une croisade contre la loi 21 en fournissant des munitions – lire : de l’argent – aux parties qui contestent la loi. À Montréal, à Québec et à Longueuil, on y oppose une fin de non-recevoir.

La réaffectation d’une enseignante de 3année de Chelsea, en Outaouais, qui était en contravention avec la loi 21 puisqu’elle portait le hijab en classe, a visiblement ravivé les ardeurs des opposants à l’interdiction du port de signes religieux pour les employés de l’État québécois en position d’autorité.

Le maire de la ville ontarienne de Brampton, Patrick Brown, a invité les premiers magistrats de dizaines de villes du Canada à participer au combat en cours devant les tribunaux en versant une aide financière aux organisations qui tentent de casser la loi adoptée en juin 2019.

La nouvelle mairesse de Calgary, Jyoti Gondek, a signalé mercredi soir sur Twitter qu’une motion urgente en ce sens serait présentée au conseil municipal lundi prochain.

Nous demeurons unis afin de protéger les communautés racialisées contre la discrimination.

Jyoti Gondek, mairesse de Calgary

Le maire de la plus grande ville au pays lui a emboîté le pas jeudi.

« Je continue de m’opposer à la loi 21 du Québec. Le conseil municipal de Toronto a également exprimé à maintes reprises son opposition à ce projet de loi. Aujourd’hui [jeudi], je demanderai au conseil municipal de participer au financement de la lutte juridique contre la loi 21 », a écrit le premier magistrat John Tory.

Dans les trois cas, on évoque un don de 100 000 $ d’argent public au trésor de guerre pour la contestation qui est menée par le Conseil national des musulmans canadiens, la World Sikh Organization of Canada et l’Association canadienne des libertés civiles.

Non merci, répondent les villes au Québec

Le maire Brown, ex-député conservateur fédéral et chef déchu du Parti progressiste-conservateur ontarien, invite 100 grandes villes canadiennes à se rallier à sa démarche. « Il a reçu des réactions positives des maires de Calgary, Toronto, Winnipeg et d’autres », selon Gary Collins, son directeur des communications.

À Montréal, la mairesse Valérie Plante n’a pas l’intention d’embarquer. « Les villes et les provinces à travers le pays ont le droit de ne pas être d’accord avec des législations en place ailleurs », a-t-elle exposé dans une déclaration transmise par son cabinet, jeudi.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

Valérie Plante, mairesse de Montréal

« Nous sommes cependant inconfortables avec le fait que d’autres villes canadiennes financent des groupes pour s’opposer à une loi qui relève du gouvernement du Québec », a-t-elle ajouté, indiquant que la Ville de Montréal, elle, n’utiliserait pas « l’argent public pour contester des lois portées par les autres provinces canadiennes ».

Le son de cloche est le même à Québec.

« Nous n’avons pas l’intention de nous mêler de cette demande. Il s’agit d’une loi adoptée par l’Assemblée nationale. Nous avons amplement à faire avec les juridictions municipales, et nous respectons celles des provinces », a expliqué Thomas Gaudreault, au bureau du maire Bruno Marchand.

Un sentiment similaire transpire à Longueuil.

« Je suis très mal à l’aise de voir mes homologues des autres provinces canadiennes prendre une position aussi frontale à l’encontre d’une loi dûment votée par l’Assemblée nationale, et, encore pire, financer la contestation d’une telle loi », a communiqué la mairesse Catherine Fournier.

Un choix « légitime et démocratique »

Nul besoin de dire que la fronde ulcère le gouvernement du Québec.

« Il n’appartient qu’à nous de déterminer les fondements de notre vivre-ensemble », a réagi jeudi dans un courriel Élisabeth Gosselin, attachée de presse du ministre québécois responsable de la Laïcité, Simon Jolin-Barrette.

Le Québec a fait le choix légitime et démocratique de séparer l’État et les religions. Le reste du Canada doit comprendre et respecter le fait que le Québec est une nation distincte, qui a le droit de se développer selon ses caractéristiques propres au sein de la fédération canadienne.

Élisabeth Gosselin, attachée de presse du ministre Simon Jolin-Barrette

Collision frontale entre bloquistes et libéraux

À Ottawa, le Bloc québécois s’est vite saisi de l’enjeu. Et la formation n’a pas l’intention de cesser d’en faire ses choux gras. Jeudi, le leader parlementaire en Chambre, Alain Therrien, a repris le bâton du pèlerin pour dénoncer ce « party de salissage des Québécois ».

« Ils ne savent même pas de quoi ils parlent ! Ils ne comprennent pas la laïcité, ils ne comprennent pas la loi 21 », s’est-il exclamé pendant la période des questions.

Après avoir déclaré que le gouvernement Trudeau était « en accord avec les Québécois qui défendent leurs droits devant les tribunaux parce qu’ils trouvent cette loi injuste », la ministre Chrystia Freeland a invité son interlocuteur à cesser de semer la pagaille.

« N’essayez pas de créer des chicanes entre nous et le Québec, s’il vous plaît », a-t-elle laissé tomber.