(Québec) Loi pour créer un tribunal spécialisé, introduction de bracelets antirapprochement et quelque 500 millions en investissements. Plus de 60 % des 190 recommandations du rapport Rebâtir la confiance sur l’accompagnement des victimes d’agressions sexuelles et de violence conjugale sont en chantier, un an après son dépôt.

« Je pense que c’est un bilan reluisant avec toutes les actions qui ont été mises en place », se réjouit la ministre responsable de la Condition féminine, Isabelle Charest, un an après le dépôt du rapport Rebâtir la confiance, en décembre 2020.

Un comité d’experts avait accouché d’un rapport costaud de 190 recommandations, dont l’une des grandes propositions était l’instauration d’un tribunal spécialisé en matière d’agressions sexuelles et de violence conjugale. Le projet de loi 92 qui prévoit la création de ce tribunal a été adopté à l’unanimité par l’Assemblée nationale, en novembre dernier.

« C’était le morceau le plus difficile à mettre en place et je pense qu’il y a beaucoup de gens qui le voyaient arriver beaucoup plus loin dans l’échéancier », a expliqué la ministre en entrevue, parlant d’un « geste fort » et d’un pas important « dans la démarche de mettre la victime au centre du système judiciaire, des préoccupations et de l’accompagnement ».

Québec a aussi annoncé au début du mois l’introduction de bracelets électroniques antirapprochement pour protéger les victimes de violence conjugale de leurs agresseurs – une autre recommandation du rapport. Ces dispositifs seront introduits le printemps prochain, d’abord dans la région de Québec, dans le cadre d’un préprojet, avant d’être déployés dans l’ensemble de la province d’ici décembre 2023.

« On est la seule juridiction qui a les deux » au monde, souligne Mme Charest au sujet des bracelets et du tribunal spécialisé. La vague de féminicides qui a secoué le Québec n’est pas étrangère à l’action du gouvernement, reconnaît-elle. « On a vraiment redoublé d’efforts, il y a eu aussi une prise de conscience de toute la société par rapport au phénomène », dit-elle.

Des sommes de 504 millions

Actuellement, 119 des 190 recommandations sont en chantier, assure-t-on au gouvernement. Une « réflexion » est par ailleurs amorcée pour 55 recommandations du rapport, et 16 autres doivent être analysées d’ici mars 2022. Des sommes de 504 millions ont été investies dans un train de mesures touchant les victimes d’agressions sexuelles et de violence conjugale depuis un an.

Québec souligne avoir par ailleurs ajouté 184 ressources à temps complet dans les organismes d’aide, amélioré les conditions de travail et bonifié de 65 % le soutien financier aux ressources d’hébergement. Le projet AGIR, développé à Laval, qui prévoit la mise en place d’une cellule de crise autour d’une victime, sera aussi étendu en province. Un appel de projets a été lancé et le financement doit être accordé en janvier.

Isabelle Charest estime à la lumière de ce premier bilan que les Québécoises sont davantage en sécurité à l’heure actuelle. « Cela étant dit, il reste du travail à faire. Et les femmes ne sont pas nécessairement plus en sécurité dans tous les contextes parce que c’est un [phénomène] insidieux », nuance-t-elle. « Mais je pense qu’on a plus de ressources, plus de moyens pour sécuriser les femmes. »

La décision de mettre en place un comité d’experts avait été prise par l’ex-ministre de la Justice Sonia LeBel, dans la foulée du mouvement #metoo en 2019. L’initiative s’était articulée dans une approche transpartisane en collaboration avec les formations de l’opposition à Québec.