(Ottawa) Après les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Australie, c’était au tour du Canada, mercredi, d’annoncer qu’il n’enverra pas de diplomates aux Jeux olympiques de Pékin. Une démarche multilatérale fondée sur des « mensonges » et « vouée à l’échec », a répliqué un porte-parole de l’ambassade de Chine au Canada.

Le motif, on le connaît, mais Justin Trudeau l’a rappelé : « Nous sommes profondément troublés par les violations des droits de la personne du gouvernement de la Chine. »

Le premier ministre n’a pas semblé troublé par les répercussions que pourrait avoir ce geste sur la relation du Canada avec Pékin, qui est déjà glaciale.

Le régime chinois étant déjà au courant des préoccupations d’Ottawa et de ses alliés, « ça ne devrait pas être une surprise qu’on ait pris la décision de ne pas envoyer de représentation diplomatique », a-t-il expliqué.

En décidant de bouder diplomatiquement les Jeux d’hiver, Ottawa emboîte le pas à trois de ses partenaires des « Five Eyes », soit les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Australie.

La Nouvelle-Zélande, qui fait aussi partie de cette alliance, n’enverra pas non plus ses diplomates en Chine, mais là, on a cité la COVID-19 comme motif principal parmi « une série de facteurs ».

Ces désaveux en cascade visent à dénoncer le génocide perpétré par le régime chinois contre la minorité musulmane des Ouïghours, dans la région du Xinjiang.

La série d’annonces de boycottage a commencé avec celle de Washington, lundi dernier.

La Lituanie est le seul pays européen, hormis la Grande-Bretagne, qui en fait partie.

Les diplomates canadiens n’étaient « même pas invités »

À Ottawa, l’ambassade de Chine a répliqué en soirée.

Un porte-parole de la mission diplomatique a reproché au gouvernement canadien et à ses alliés qui n’enverront pas de dignitaires d’avoir pris une décision « basée sur des préjugés idéologiques, des mensonges et des rumeurs ».

Le Canada et « une poignée de pays occidentaux » sont engagés dans des « manœuvres politiques » dans le but de « perturber le bon déroulement » des Jeux olympiques, a-t-il poursuivi dans une déclaration écrite publiée sur le site web de l’ambassade.

« Leur prestation maladroite ne trouve guère d’appui, et est vouée à l’échec », a offert le porte-parole, en ajoutant que de toute manière, les diplomates canadiens n’avaient « même pas été invités aux Jeux ».

La sécurité des athlètes

Les athlètes canadiens, pour leur part, participeront aux Jeux de Pékin, qui s’ouvrent le 4 février prochain.

Les ministres des Affaires étrangères et des Sports, Mélanie Joly et Pascale St-Onge, ont juré qu’il y aurait un dispositif sécuritaire pour que les sportifs soient en sécurité – on a vu, avec la détention arbitraire des deux Michael, que Pékin est capable de tout.

PHOTO ALY SONG, REUTERS

Le Canada a annoncé mercredi qu’il n’enverra pas de diplomates aux Jeux olympiques de Pékin.

Il reste des détails opérationnels à clarifier, mais le gouvernement a commencé à travailler à un plan.

« Il y a déjà des agents qui sont mobilisés pour assurer la sécurité, et on continue les discussions avec la GRC […] On va mettre tout ce qu’il faut en place », a déclaré Mme St-Onge.

Mais accessoirement, « c’est tout dans l’intérêt du pays hôte d’assurer la sécurité des athlètes », a argué à ses côtés la cheffe de la diplomatie canadienne.

Réception mitigée des partis de l’opposition

Tous les partis de l’opposition à Ottawa demandaient au gouvernement libéral de bouder l’évènement.

Le député bloquiste Alexis Brunelle-Duceppe, qui porte ce dossier depuis des mois, voulait aller plus loin et proposait de reporter les Jeux d’un an, le temps qu’une mission d’observation se rende au Xinjiang.

Ainsi, à ses yeux, le boycottage diplomatique représente « un pas » pour le Canada, mais « un pas qui aurait dû être franchi depuis belle lurette ».

Même son de cloche chez les conservateurs, où le député Michael Chong a pesté contre la lenteur des libéraux à se faire une tête.

C’est typique de ce gouvernement, ils ont pris une décision plus tard que nos alliés démocratiques. C’est typique dans beaucoup d’enjeux entre le Canada et la Chine.

Michael Chong, député conservateur

Quant au chef du Nouveau Parti démocratique, Jagmeet Singh, il « appuie cette décision ».

« Nous comprenons et respectons la décision »

Dans une déclaration, le Comité olympique canadien (COC) et le Comité paralympique canadien (CPC) ont dit « comprendre » et « respecter » la décision d’Ottawa, laquelle « établit une importante distinction entre la participation des athlètes et celle des représentants du gouvernement aux Jeux ».

Les comités « restent préoccupés par les enjeux actuels en Chine, mais nous comprenons aussi que les Jeux créeront une plateforme importante pour attirer l’attention sur ces enjeux », ont ajouté David Shoemaker, chef de la direction et secrétaire général du COC, et Karen O’Neill, cheffe de la direction du CPC.