(Québec) « L’intérêt de l’enfant » guidera toutes les étapes de l’application de la réforme de la Loi sur la protection de la jeunesse (LPJ). Québec ne modifie pas cependant les durées maximales de placement pour retourner un enfant dans son milieu familial. Le projet de loi 15 présenté mercredi par le ministre Lionel Carmant assouplit les règles sur le partage des renseignements confidentiels.

Le ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux, Lionel Carmant, a présenté au Salon bleu son attendue réforme de la LPJ découlant des recommandations de la Commission spéciale sur les droits des enfants et la protection de la jeunesse (commission Laurent).

C’est « l’intérêt de l’enfant » que l’on définit comme « considération primordiale » qui devra guider le travail des intervenantes de la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ). Une formation à propos des changements législatifs sera par ailleurs offerte aux employés du réseau une fois la loi adoptée.

« On va enfin mettre l’intérêt de l’enfant en premier. Quand je dis en premier, ça veut dire avant la famille naturelle, avant l’intérêt des parents biologiques. C’est important que ce soit l’enfant, l’intérêt de l’enfant en premier. Arrêter de barouetter les enfants d’une famille d’accueil à l’autre, d’imposer le retour de l’enfant dans sa famille naturelle alors qu’il y a des risques pour l’enfant », s’est réjoui François Legault.

Le projet de loi 15 vient en effet « réaffirmer que l’intérêt de l’enfant est une considération primordiale dans l’application de celle-ci », sans donner de nouveaux leviers légaux. Le concept de primauté parentale ne change pas ni les durées maximales de placement pour retourner ou non un enfant dans son milieu. « Le rôle de la famille demeure entier », a nuancé M. Carmant.

Le changement se situe dans le fait que « l’intérêt de l’enfant » comme « considération primordiale » sera inscrit dans le préambule de la LPJ, et donc, guidera son application. On vient par ailleurs clarifier « une confusion » existante de l’ancienne loi. Dorénavant, la décision de confier à nouveau un enfant à ses parents biologiques devra être motivée par l’intérêt de l’enfant.

Québec assure ainsi que la nouvelle loi permettra de sécuriser plus rapidement l’enfant pour éviter qu’il soit trimbalé d’un milieu à l’autre.

Dans sa réforme, Québec assouplit les règles sur le partage des renseignements personnels et la communication d’information entre les intervenants. Les intervenants de la DPJ pourront aussi partager de l’information avec les personnes qui gravitent autour de l’enfant, comme un professeur par exemple.

« Le projet de loi propose également de permettre, dans des circonstances déterminées, la communication au directeur de la protection de la jeunesse de certains renseignements confidentiels détenus notamment par des organismes et des professionnels, et ce, à toutes les étapes de l’intervention », est-il écrit.

Cette communication doit être guidée par « l’intérêt de l’enfant » ou pour « assurer la protection d’un autre enfant ». Le concept très rigide de la confidentialité avait beaucoup été critiqué lors des travaux de la commission Laurent.

La nouvelle loi permettra aussi de conserver les dossiers en protection de la jeunesse pendant 25 ans en plus d’offrir des services d’accompagnement psychosocial à la personne de 14 ans et plus pour qu’il accède à l’information de son dossier. Pour éviter le recours à la judiciarisation des dossiers, le projet de loi prolonge d’un an (de 2 à 3 ans) la durée maximale des ententes « sur les mesures volontaires ».

Le texte législatif établit également « la représentation systématique » des enfants par avocat. Il prévoit la possibilité « qu’un projet d’entente ou de règlement à l’amiable soit conclu avec un seul des parents lorsque l’autre n’est pas en mesure de manifester sa volonté, qu’il ne peut être retrouvé malgré les efforts sérieux déployés ».

Avancées pour les enfants autochtones

Un nouveau chapitre regroupant toutes les dispositions applicables aux enfants autochtones sera introduit dans la version révisée de la loi. De nouvelles mesures visant à tenir compte « des facteurs historiques, sociaux et culturels qui leur sont propres » seront aussi intégrées, comme la notion de « conseil des familles ».

« Le projet de loi prévoit la possibilité pour une communauté autochtone ou un regroupement de communautés d’administrer l’aide financière pour favoriser la tutelle, la tutelle coutumière, l’adoption et l’adoption coutumière », indique-t-on.

La nouvelle loi ne prévoit pas de nouveaux mécanismes pour les communautés qui souhaitent s’affranchir de la Loi sur la protection de la jeunesse avec l’implantation de leur propre modèle autres que ceux existants en vertu de l’article 37,5 de loi.

Des représentants des Premières Nations et des Inuits ont d’ailleurs fait partie du comité de travail chargé de réviser ce pan de la loi.

Québec a confié le mandat de notamment revoir la Loi sur la protection de la jeunesse à une commission spéciale présidée par Régine Laurent, le 30 mai 2019, dans la foulée de la mort tragique de la fillette de Granby.

Le gouvernement Legault avait promis de réformer en profondeur de la Loi sur la protection de la jeunesse au lendemain du dépôt du rapport de la commission Laurent, en mai dernier. Pour la commission Laurent, la loi doit être modifiée afin que l’enfant puisse le plus tôt possible « se projeter dans un avenir prévisible ».

« Mettre en priorité l’intérêt de l’enfant et lui garantir « une famille pour la vie », qu’il s’agisse de ses parents biologiques qu’on aura adéquatement soutenus ou d’une autre famille « prête à s’engager envers lui pour toujours », a été comme un chantier urgent à entreprendre par le gouvernement.

On notait que « les déplacements à répétition rendent difficile, voire improbable, la création de liens de confiance essentiels à un développement affectif sain ».

En mars 2021, Québec avait nommé une première directrice nationale de la protection de la jeunesse, ayant un statut de sous-ministre, comme le recommandait la commission Laurent dans ses recommandations préliminaires.

Pour son rapport, la Commission s’est notamment appuyée sur 276 témoignages et sur 225 mémoires. D’anciens jeunes de la DPJ, des avocats, des chercheurs et le Barreau du Québec, entre autres, ont tour à tour défilé devant la Commission. Avec Tommy Chouinard