(Ottawa) Les libéraux ont bloqué le dépôt d’une motion demandant de reporter d’un an les Jeux olympiques de Pékin. Et à un peu moins de deux mois de la cérémonie d’ouverture, Ottawa n’a pas encore déterminé s’il y aura boycottage diplomatique de l’évènement.

La tentative du député du Bloc québécois Alexis Brunelle-Duceppe de faire adopter sa motion a échoué en raison de l’opposition en provenance des banquettes libérales, d’où l’on a entendu quelques « non » lorsque le président de la Chambre a demandé le consentement pour son dépôt.

Aucune autre formation ne s’y est opposée.

La motion stipulait que la Chambre demandait au Comité international olympique de reporter les Jeux olympiques de Pékin d’un an, et ce, afin qu’une mission d’observation internationale se rende au Xinjiang.

C’est dans cette région du nord-ouest de la Chine que le régime de Xi Jinping est accusé de perpétrer un génocide contre la minorité musulmane des Ouïghours et les peuples turciques.

La motion prévoyait aussi que l’on retire à la Chine ses Jeux si elle refusait d’accueillir une mission, ou encore que celle-ci « en arrivait au constat de l’existence de violation des droits de la personne ».

PHOTO JUSTIN TANG, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Alexis Brunelle-Duceppe

À sa sortie de la Chambre, l’élu bloquiste n’a pas caché sa déception, voire sa « colère ».

Et il n’a pas mâché ses mots pour critiquer la prise de position libérale, dont il ignore par ailleurs les motifs.

« Quand vous savez qu’il y a un génocide, quand vous dites qu’il y a un génocide, et que vous décidez de ne rien faire alors que vous en avez le pouvoir, moi, je me dis qu’indirectement, vous vous rendez complice de ce génocide-là », a-t-il lâché.

« En tout cas, ça en dit long sur votre échelle de valeurs », a-t-il dénoncé en mêlée de presse dans le foyer des Communes.

La motion en question avait été adoptée le 14 novembre dernier dans le cadre du sommet annuel du Congrès mondial ouïghour qui avait lieu à Prague, où s’était rendu le député bloquiste.

Un boycottage diplomatique ?

Le gouvernement canadien n’a pas encore déterminé s’il est tenté d’imiter les États-Unis, où le président Joe Biden envisage un boycottage diplomatique de l’évènement.

« Une décision quant à la présence de dignitaires du gouvernement du Canada aux Jeux olympiques, y compris de la ministre des Sports [Pascale St-Onge], n’a pas encore été prise », a-t-on déclaré mardi au cabinet de la ministre St-Onge.

« Le contexte global nécessite que le gouvernement du Canada continue de travailler avec ses plus proches alliés et partenaires sur la question », a-t-on ajouté.

Enfin, au sujet du refus d’appuyer la motion présentée en Chambre, on a dit que les libéraux reconnaissaient « l’indépendance des Comités olympique et paralympique canadiens en ce qui concerne la participation d’Équipe Canada aux Jeux olympiques ».

Éviter une humiliation

La menace proférée il y a près de deux semaines par le président américain a fait rugir dans le camp chinois. « Mélanger la politique et le sport va à l’encontre de l’esprit olympique », a averti dès le lendemain un porte-parole de la diplomatie chinoise, Zhao Lijian.

Il semble que l’apparition du nouveau variant Omicron offre à la Chine une possibilité d’user de stratégie. Mardi, les autorités chinoises ont signalé que son arrivée venait compliquer les choses. Les Jeux se tiendront dans une bulle dont ne pourront sortir les 2900 sportifs attendus, et sans spectateurs étrangers.

L’ancien ambassadeur du Canada en Chine, Guy Saint-Jacques, y voit une façon d’éviter une humiliation.

« Invoquer la COVID-19 et la recrudescence des cas leur permettrait de dire que personne n’est invité à la cérémonie d’ouverture. Et ça leur permet de se sauver la face, parce qu’ils n’ont besoin d’inviter personne, et surtout pas de se faire dire non », avance-t-il en entrevue.

« Mais là, c’est fort probable que les Jeux vont avoir lieu… et la Chine va essayer d’en tirer le meilleur parti dans les circonstances », laisse tomber l’ancien diplomate canadien.

Les Jeux de Pékin 2022 doivent s’ouvrir le 4 février prochain.

Avec l’Agence France-Presse