(Ottawa ) Une coalition entre les libéraux de Justin Trudeau et les néo-démocrates de Jagmeet Singh, même informelle, pour assurer la survie du gouvernement libéral minoritaire à la Chambre des communes aurait des conséquences désastreuses pour l’économie canadienne et les finances publiques, estime le chef du Parti conservateur Erin O’Toole.

À deux semaines de la reprise des travaux des Communes, le dirigeant conservateur a tenu à dénoncer les pourparlers informels qui ont lieu depuis quelques jours entre le Parti libéral et le Nouveau Parti démocratique (NPD), et qui assureraient au gouvernement minoritaire de Justin Trudeau trois ans de tranquillité parlementaire.

Le but des pourparlers : donner aux libéraux les appuis nécessaires à la Chambre des communes pour se maintenir au pouvoir durant les votes de confiance durant la session. Le premier ministre Justin Trudeau et le chef du NPD Jagmeet Singh ont chacun donné leur bénédiction à ces discussions.

En conférence de presse, lundi, à Ottawa, Erin O’Toole n’a pas lésiné sur les attaques, affirmant que ces discussions pourraient donner lieu à une « coalition radicale » qui entraînera « de nouvelles dépenses spécialement pour acheter le silence de Jagmeet Singh » et permettre à ce dernier « de réaliser des politiques radicales ».

Il a plaidé que la potentielle coalition rouge et orange allait « entraîner des milliards de dollars en nouvelles dépenses et ces dépenses vont faire grimper le taux d’inflation encore et encore », et qu’elle donnerait naissance à des politiques susceptibles de « menacer les moyens de subsistance des millions des Canadiens ».

Le magazine Maclean’s a rapporté en premier la tenue de ces discussions informelles. La Presse a réussi à faire confirmer que ces discussions ont lieu par des sources indépendantes la semaine dernière. Selon nos informations, la cheffe de cabinet du premier ministre, Katie Telford, et la cheffe de cabinet de M. Singh, Jennifer Howard, ont également eu des échanges informels sur cette délicate opération politique.

En moyenne, un gouvernement minoritaire réussit à diriger le pays pendant une période de 18 à 24 mois. Ce sont les libéraux de Justin Trudeau qui ont initié les discussions – des pourparlers qui sont d’autant plus inacceptables, selon Erin O’Toole, que ni Justin Trudeau ou Jagmeet Singh n’a soufflé un mot sur une éventuelle entente durant les récentes élections fédérales.

Le chef conservateur a aussi accusé M. Trudeau d’avoir maintenu ses propres troupes dans l’ignorance.

Peu avant cette conférence de presse, d’ailleurs, le caucus libéral se rencontrait à Ottawa pour la première fois depuis les élections. Dans les couloirs du parlement, plusieurs députés sont restés prudents dans leurs commentaires sur les tractations en cours, mais quelques-uns ont affiché une ouverture par rapport à l’idée d’un pacte entre les deux camps, en évoquant leur proximité idéologique sur certains enjeux.

Le nouveau leader du gouvernement en Chambre, Mark Holland, n’a pas trop ouvert son jeu. Il a fait valoir que « la priorité » pour lui était de se concentrer sur les six ou sept prochaines semaines entre l’ouverture de la nouvelle session, le 22 novembre prochain, et la pause du temps des fêtes.

Les libéraux doivent obtenir l’appui d’au moins un parti de l’opposition pour assurer l’adoption de projets de loi aux Communes. Le Parti libéral compte 159 députés, et les néo-démocrates, 25.

La vaccination obligatoire rattrape O’Toole

M. O’Toole a toutefois été rattrapé par les propos tenus par des députés conservateurs au sujet de la vaccination obligatoire. En fin de semaine, la députée Marilyn Gladu, qui fait partie d’un mini-caucus conservateur contre la vaccination obligatoire regroupant une trentaine de députés et de sénateurs, a notamment mis en doute la sévérité de la COVID-19.

M. O’Toole, qui a fait l’objet de railleries du premier ministre Justin Trudeau durant son discours au début de la réunion du caucus libéral sur la question de la vaccination, n’a pas voulu dire s’il compte montrer la porte de sortie aux députés réfractaires.

« Il y a une grande différence entre le travail des députés pour leurs concitoyens et créer de la confusion. […] Les vaccins sont importants et c’est possible d’avoir un engagement pour vos citoyens, mais on doit laisser les commentaires sur les vaccins aux médecins et aux experts de la santé », s’est-il borné à dire.

La vaccination obligatoire des députés qui veulent participer en personne aux travaux de la Chambre des communes est devenue un boulet pour le chef conservateur.

À ce jour, M. O’Toole refuse toujours de dire combien de députés conservateurs ne sont toujours pas vaccinés. Une analyse de La Presse Canadienne montre qu’au moins 82 des 119 élus conservateurs, dont M. O’Toole, sont doublement vaccinés contre la COVID-19.

M. O’Toole a toutefois indiqué que les députés conservateurs qui participeront aux travaux parlementaires en personne à compter du 22 novembre seront tous pleinement vaccinés.

Le premier ministre Trudeau a sévèrement écorché les conservateurs sur la question de la vaccination dans le discours qu’il a prononcé devant les membres de son caucus. Il s’est élevé contre les élus qui tentent selon lui d’obtenir un « traitement spécial » en raison de leur statut de député.

« De plus en plus de conservateurs se mobilisent contre la vaccination, contre la science, contre le fait d’être là les uns pour les autres », a-t-il lancé, en disant regretter d’avoir à « malheureusement » continuer à mener ce combat.

Le chef O’Toole a réitéré lundi que les députés et les sénateurs conservateurs qui participeront aux travaux parlementaires en personne à compter du 22 novembre seront tous pleinement vaccinés. Il n’a pas spécifié quel sort attendait les récalcitrants.